Droit et fonction documentaire – 7 : La reproduction des sommaires de revues

Nous abordons, pour ce 7ème épisode de la série Droit et fonction documentaire, la question de la reproduction des sommaires de revues, éventuellement intégrés dans des revues de sommaires (produit qui permet de balayer l’actualité par un survol des sommaires de toutes les revues reçues dans la période).

Analyse juridique

Il convient comme d’habitude de procéder à l’analyse juridique de l’objet "sommaire de revue".
Le sommaire d’une revue consiste principalement en la reproduction des titres des articles publiés dans celle-ci, ainsi éventuellement que du nom de l’auteur et de la page où commence l’article.
Mais il peut arriver dans certains cas que d’autres éléments apparaissent sur des pages de sommaires moins académiques, dans le but d’attirer l’œil : photographies, accroches des articles ou les quelques premières lignes de celui-ci.
Il faut distinguer tous ces cas de figure.

Libre reproduction des titres et des auteurs

Sur le terrain des seuls titres des articles, on retrouve une situation similaire à celles d’un bulletin bibliographique indicatif : reproduire les titres des articles n’a qu’un but signalétique, licite aux yeux de la doctrine, analyse confirmée dans l’affaire Le Monde c/ Microfor. De même, si l’auteur est mentionné, il est licite d’en reproduire le signalement.

Les éléments surajoutés au sommaire

Toute autre sera l’analyse concernant les divers éléments ajoutés au sommaire, tels que photographie, image, infographie, accroche, début de texte…

Les images hors sommaire

Tout ce qui relève de l’image (photo, infographie ou autre image) constitue une œuvre en tant que telle, supposant l’accord de son auteur pour la reproduire. Peu importe la taille de cette image. Par exemple, la reproduction en imagette d’une photo sur un sommaire n’autorise pas plus sa copie que la photo elle-même.
Un commissaire-priseur s’en est mordu les doigts en reproduisant sans autorisation, sous forme d’image de petite taille deux œuvres du peintre Maurice Utrillo dans un catalogue de vente aux enchères. La Cour de cassation n’a pu que constater qu’il s’agissait d’une reproduction intégrale de l’œuvre — et non une courte citation vu la taille de l’image, comme le prétendait la défense — pour confirmer sa condamnation à des dommages-intérêts à la demande de l’ayant-droit du peintre (Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 novembre 1993, pourvoi n°92-10673). 

Les textes hors sommaire

Si le sommaire intègre un petit morceau de l’article, celui-ci s’analyse en une courte citation de ce texte, volontairement publiée par l’auteur ou son ayant-cause, l’éditeur de presse. La reproduction d’un tel élément ne saurait donc poser de difficulté, à la condition de veiller à ce que les 5 critères de l’exception de courte citation soient réunis (voir notre fiche référencée ci-dessous).
S’agissant en revanche de l’accroche — encore faut-il pouvoir l’identifier comme telle : comment peut-on être sûr qu’il ne s’agisse pas d’un extrait de l’article ? — elle constitue un texte original. Certes on pourrait soutenir qu’elle constitue, comme son nom l’indique, une invite à lire l’article, donc une publicité pour celui-ci. L’argument peut porter, mais n’oublions pas que l’auteur (en l’occurrence celui de l’accroche) détient tous les droits sur son œuvre en tant que propriétaire et peut ne pas partager cette analyse, l’affaire précitée autour de Maurice Utrillo en est un exemple emblématique, puisque là aussi il s’agit de faire de la publicité pour les œuvres mises en vente…

Et la mise en page ?

Il est une dernière empreinte de droit d’auteur sur une page de sommaire : sa mise en page. Rappelons que le droit d’auteur se définit comme la protection de toute mise en forme, de tout « choix ou disposition des matière » (article L.112-3, alinéa 1er in fine).
Il s’ensuit que le maquettiste détient lui aussi un droit d’auteur sur l’œuvre que constitue la mise en page du sommaire. Cette analyse avait été rappelée dans une lointaine jurisprudence, lors du contentieux qui avait opposé les éditions Masson au CNRS, à propos de photocopies réalisées de manière illicite dans le cadre d’une bibliothèque dudit CNRS (TGI Paris, 3ème Ch. 1ère Section, 28 janvier 1974).

Une mise en page originale ?

Il n’en demeure pas moins que pour que la protection du droit d’auteur soit appliquée à une création, il lui faut une certaine originalité, certes prise dans son sens juridique, plus large que le sens commun (qui émane ou qui a pour origine de l’esprit de l’auteur). Il est permis de penser qu’en cas de contentieux, un juge ne retiendrait pas le critère d’originalité pour une infinité de sommaires tous mis en page selon des modèles standards et banals.
Mais là, nous mettons le doigt dans l’engrenage de cette zone grise du droit : quand y a-t-il œuvre originale ? Compte tenu du caractère humain des juges, on sait que ce type de question fluctue à la marge d’un magistrat et d’une décision à l’autre. Nous jargonnerons un instant en rappelant qu’il s’agit d’une question "laissée à l’appréciation des juges du fond" : en d’autres termes c’est le juge en première instance ou en appel qui tranche souverainement au vu des éléments de fait qui lui sont rapportés.
Sans entrer dans les détails, signalons que la frontière entre originalité et non-originalité en droit d’auteur est loin d’être aussi simple et plus d’un éditeur de presse risquerait de se casser les dents s’il s’aventurait à assigner un centre de documentation en justice sur ce seul terrain de la propriété intellectuelle de la mise en page. Mais la question reste entière.

Des solutions pratiques ?

Recommandation : contourner les éléments hors sommaire qui peuvent poser problème : images et textes, y compris les débuts de texte qui constitueraient des extraits.
À l’époque héroïque du papier, des ciseaux et de la colle, on découpait soigneusement et on réalisait un montage pour ne conserver que la partie purement signalétique du sommaire.
En matière de numérique, il existe des logiciels de découpage qui réalisent les mêmes opérations pour isoler le sommaire stricto sensu à partir d’une page qui comporte accroches, photos, et autres éléments supplémentaires.
Reste la question du droit d’auteur du maquettiste, malgré les bémols que nous avons émis quant à l’originalité de la mise en page. Une solution serait de numériser le sommaire en mode texte (reconnaissance optique des caractères) et de le remettre soi-même en page, de sorte qu’on éviterait de reprendre la mise en page et s’affranchirait ainsi de l’apport du maquettiste.

En savoir plus

Lire sur notre site :

 

Didier FROCHOT