Droit et fonction documentaire – 8 : La reproduction des sommaires des ouvrages

Ce 8ème épisode de la série Droit et fonction documentaire, est tout proche du précédent sur La reproduction des sommaires de revues, (notre actualité du 3 septembre). Mais nous nous y arrêtons spécifiquement en ce sens que le risque d’enfreindre le droit d’auteur est plus présent quant aux sommaires des ouvrages.

Analyse juridique

Le sommaire d’un ouvrage constitue la reprise du plan de celui-ci, plus ou moins détaillé, selon qu’il s’agit du sommaire, par définition plus sommaire qu’une table des matières, parfois appelée table analytique lorsqu’elle rend compte de la totalité du plan, descendant jusque dans les divisions les plus profondes de l’ouvrage.
Or le plan d’une œuvre de réflexion ou d’information, de même que le scénario d’une œuvre de fiction, rend compte du choix et de la disposition des matières traitées dans l’ouvrage. C’est précisément la définition générique de la qualité d’une œuvre d’auteur, fournie au détour de l’article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle. Pour déclarer leur protection par le droit d’auteur, le code vise en effet un certain nombre de réalisations intellectuelles qui « … par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles ».
Là réside donc la définition générique d’une œuvre protégée par le droit d’auteur.

Pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d'auteur (« créations intellectuelles » précise le texte),
il faut et il suffit qu’il y ait :

  • Choix
    OU
  • Disposition

    Des matières

Constatons qu’il suffit de l’une des conditions pour qu’il y a ait œuvre d’auteur.

Le plan d’un ouvrage protégé par le droit d’auteur

En l’occurrence, pour le plan d’un ouvrage, il y a à la fois l’indication du choix des matières traitées, mais aussi de leur disposition les unes par rapport aux autres. D’où il suit que le plan d’un ouvrage constitue en soi une œuvre protégée.

Le cas similaire des scénarios

Pareille analyse a été conduite assez tôt en jurisprudence à propos du scénario d’une œuvre de fiction. Dès lors que le scénario est original, celui-ci est protégé et si quelque auteur s’aventurait à réaliser une œuvre reprenant d’assez près, voire servilement, le scénario d’une autre œuvre, il y aurait contrefaçon. Une abondante jurisprudence a illustré ce principe au début du 20ème siècle autour d’auteurs de théâtre à succès (théâtre de boulevard) tels que Georges Courteline ou Eugène Labiche. Plus près de nous, de nombreux litiges ont opposés des auteurs de scénarios à des scénaristes et/ou réalisateurs de films pour les mêmes raisons. On peut citer en 2010 le film "Séraphine" dont le scénario fut condamné pour la contrefaçon d'un ouvrage d'Alain Vircondelet retraçant la vie de Séraphine puisque le tribunal a relevé "neuf cas précis pour lesquels, outre la reprise d'éléments biographiques inventés par M. Vircondelet, on note une similitude dans la formulation employée, parfois au mot près, ce qui permet d'exclure la simple réminiscence derrière laquelle se retranchent les défendeurs" (TGI de Paris 26 novembre 2010).

Bien sûr, les autres éléments de notre analyse portant sur les sommaires de revues demeurent, notamment quant à l’insertion dans le sommaire ou le plan d’un ouvrage d’autres éléments assujettis au droit d’auteur — ce qui tout de même plus rare… — et quant à la mise en page, elle-même éventuellement originale.

De même, nous savons déjà ce que peut valoir l’argument selon lequel on fait la promotion de l’ouvrage en indiquant au lecteur potentiel le plan de celui-ci pour l’inciter à lire (voir sur cet argument de promotion nos développements à propos des 4èmes de couverture).

Des solutions pratiques ?

Il convient donc de rester prudent quant à l’usage de ces sommaires ou plans qui pourtant présentent la forte utilité d’indiquer à l’utilisateur, potentiel lecteur, si le contenu de l’ouvrage offre un intérêt pour sa recherche. Il y a là une réelle prestation de service qu’il serait dommage de s’interdire.

Au reste, en cas de contentieux, rien ne dit que les juges n'appliqueraient pas la fameuse Liberté documentaire aménagée par le Cour de cassation dans l’affaire Le Monde c/ Microfor et ne reconnaîtraient pas à cette pratique de reproduction une liberté similaire à celle accordée aux titres des articles, c’est-à-dire en raison du but signalétique.

En savoir plus

Voir l'article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle sur Légifrance.

Lire notre actualité du 30 mai 2013 sur Les titres des œuvres.
Voir notre double Fiche de synthèse sur le droit d’auteur  et le Schéma du droit d’auteur
Voir nos Documents de référence sur l'affaire Microfor / Le Monde

Didier FROCHOT