Droit et fonction documentaire – 4 : La reprise de résumés

Notre dernier sujet, dans le cadre de la série Droit de fonction documentaire, concernait la rédaction des résumés. Nous n’en avons pas pour autant fini avec la notion de résumé.
Nombreux sont les professionnels qui, par manque de temps et pour simplifier leur travail, sont tentés bien logiquement de reprendre les résumés souvent proposés par les revues professionnelles et scientifiques. Mais est-ce licite ?

Reprise d’un résumé : analyse juridique

Qu’est-ce qu’une "reprise" ?

La notion de reprise d’un résumé vise en général sa reproduction intégrale dans la production documentaire interne. Or, toute reproduction intégrale ou même partielle d’une œuvre faite sans le consentement de l’auteur est illicite (article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle) : nous sommes donc face au monopole d’exploitation appartenant à l’auteur.

Un résumé est-il une œuvre indépendante ?

Voici plusieurs années, quelques esprits récalcitrants ont cherché à nous faire admettre qu’un résumé n’était que l’extrait de l’œuvre plus vaste que constituait l’œuvre d’origine, en l’occurrence l’article, la communication, l’ouvrage, flanqué de son résumé.
Rien n’est plus faux.
À supposer que le résumé soit rédigé par le même auteur que l’œuvre résumée — ce qui est loin d’être le cas le plus fréquent — l’œuvre principale constitue un tout uni et qui se tient en elle-même sans qu’il soit besoin de lire le résumé : on comprend donc qu’il s’agit bien de deux œuvres distinctes.
Au surplus, bien malin celui qui pourrait, au vu des éléments publiés, affirmer avec certitude quand le résumé est du même auteur que l’œuvre d’origine et quand il ne l’est pas. Et dans bien des cas le résumé est réalisé par la rédaction de la revue, donc par un auteur différent.

La reproduction totale illicite

Il résulte donc des deux points qui précèdent que la reprise intégrale d’un résumé préexistant constitue une reproduction illicite au sens de la loi.

La reproduction partielle licite ?

Mais alors, qu’en serait-il si, pour éviter les foudres du code de la propriété intellectuelle, on ne reprenait qu’une partie de ce résumé ?

De deux choses l’une :

  • Soit il s’agit de la reprise d’une partie importante du résumé et nous sommes encore dans le monopole d’exploitation de l’auteur (reproduction totale ou partielle), et c’est donc toujours illicite ;
  • Soit il s’agit d’un très court extrait, et, sous réserve d’en réunir tous les conditions de validité, nous sommes dans l’exception de courte citation, donc licite.

Des solutions pratiques ?

Des solutions pratiques sont à trouver autour de l’exception de courte citation.
En utilisant judicieusement celle-ci, il est possible, par exemple, de panacher la reprise d’un très court extrait du résumé, avec, si cela ne suffit pas, de courtes citations d’autres éléments tels que :

  • La présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur (nous reviendrons ultérieurement sur le statut des 4èmes de couverture) dans le cas d’un résumé d’ouvrage ;
  • Quelques phrases bien choisies du corps de l’article ou de la communication — ce qui oblige à parcourir au moins rapidement ce texte —, et sous la condition que cette pratique ne dénature pas le sens de l’œuvre (on sait qu’en coupant/collant des morceaux de texte, on peut en changer complètement le sens), ce qui constituerait une atteinte au droit moral de l’auteur (droit au respect de son œuvre et de sa pensée) donc à nouveau une contrefaçon.

Dans la monumentale affaire Le Monde c/ Microfor, il apparaissait que les résumés réalisés à l’initiative de Microfor étaient en fait un agencement de courtes citations extraites de chaque article du Monde. La qualité du travail était telle qu’on était à la limite de la dénaturation du sens des articles, ce qui — par parenthèses — a justifié le lancement du procès par Le Monde. Mais la Cour de cassation (Assemblée plénière, 30 octobre 1987) admettra qu’il s’agit bien de courtes citations licites.

En savoir plus

Lire sur notre site :

Didier FROCHOT