Les critères de protection d'un site commerçant par le droit d'auteur

Le tribunal de grande instance de Paris vient de se pencher, le 12 janvier, sur un litige en contrefaçon de droit d'auteur entre deux sites de e-commerce.
La société plaignante avait invoqué la contrefaçon de son site par celui d'une société concurrente espagnole.
L'entreprise attaquée dénia l'existence d'un réel droit d'auteur sur le site d'origine, rejetant donc l'accusation de contrefaçon et obligeant la plaignante à apporter les preuves de réels éléments de création personnelle, c'est-à-dire d'"originalité", au sens juridique du terme, condition de base pour qu'une création intellectuelle soit qualifiée d'œuvre d'auteur, protégée en tant que telle.

La question de l'originalité au premier plan

Le tribunal s'est donc livré à une analyse détaillée des quelques éléments fournis par la société plaignante permettant d'établir qu'elle détient un réel droit d'auteur sur son site, présenté par le site Legalis.net comme une "leçon d'originalité".

Le diable dans les détails…

Il est facile, vu de loin, de considérer un site web et de présupposer un peu hâtivement qu'il est forcément une création intellectuelle originale. Mais c'est lorsqu'on entre dans les détails que l'originalité risque de se dérober sous l'œil de l'analyste. Tel est le cas du méticuleux raisonnement conduit par le TGI de Paris dans ce litige.

Avant toute chose, le tribunal rappelle les fondements de l'œuvre d'auteur et du possible exercice des droits d'exploitation attachés à cette œuvre par une personne morale, exercice couramment admis par "une jurisprudence constante". Cette certitude étant acquise, la question de l'originalité du site est étudiée avec soin.

La question du logo présent sur le site est d'abord examinée, l'originalité de ce dernier étant mise en doute par les magistrats.

C'est ensuite la charte graphique du site et son agencement qui sont scrutés. Un à un, les arguments de prétendue originalité sont rejetés puisque fort peu convaincants : à aucun moment selon les juges, la preuve n'est apportée d'une quelconque originalité des diverses composantes du site, qu'il s'agisse du choix des couleurs, de l'arborescence et de l'agencement des rubriques, plutôt dicté par une logique de navigation pour faciliter l'accès de la clientèle aux articles en vente.

Pour faire bonne mesure, la société avait aussi apporté les preuves des dépenses qu'elle a engagées pour le développement de son site en 2009 et sa maintenance, ce qui ne constitue bien sûr en rien un critère d'originalité.

Le tribunal constate donc que la société "échoue à démontrer en quoi la combinaison des éléments est empreinte de la personnalité de l’auteur". Plus encore, "elle ne justifie pas des choix qui ont présidé à l’ordonnancement des rubriques et à l’arborescence du site, à la mise en perspective des produits présentés, qui attestent plus d’un savoir-faire commercial commun à d’autre sites marchands qu’à un réel effort créatif, dés lors qu’ils permettent de naviguer aisément sur le site et répondent à un impératif utilitaire largement répandu pour le commerce en ligne".

La concurrence déloyale en prime

Les plaignants avaient invoqué en outre la concurrence déloyale de la part de la société concurrente. Une rapide analyse permet aux juges de rejeter cette qualification : le seul acte de prétendue concurrence déloyale consistant en la volonté de contrefaire le site des plaignants. Puisque la contrefaçon n'est pas retenue, la concurrence déloyale ne l'est pas plus.

Une décision didactique

L'intérêt de cette décision du TGI de Paris est précisément la minutie et la pédagogie du raisonnement conduit par ses juges. Les non-juristes peuvent être généralement mis en déroute par la lecture de la décision d'un tribunal, en ce qu'elle descend dans les détails les plus complexes. Le présent jugement est pratiquement lisible par toute personne avec quelque profit puisque la présentation des arguments est limpide, réserve faite de quelques invéitables éléments de jargon juridique.

En savoir plus

Voir le jugement du TGI de Paris du 12 janvier 2017 sur Legalis.net :
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-de-grande-instance-de-paris-3eme-ch-4eme-section-jugement-du-12-janvier-2017/
et la présentation que ce site en propose :
https://www.legalis.net/actualite/contrefacon-dun-site-internet-lecon-doriginalite/

Voir notre fiche synthétique sur le Droit d'auteur et son Schéma explicatif, pour une révision des fondements du droit d'auteur.

Didier FROCHOT