Droit et fonction documentaire – 2 : L’indexation

L’indexation consiste à associer des mots-clés à des textes ou des images.
Comme pour les titres (voir notre actualité du 30 mai dernier), la question avait été soulevée dans la même affaire Le Monde c/ Microfor et les avocats du Monde entendaient interdire cette pratique.

Analyse de l’opération d’indexation

Que fait l’analyste documentaire dans cette opération d’indexation ?
Il repère les principales idées et/ou informations qui sont évoquées dans le texte et les étiquette avec des mots qui soit appartiennent au vocabulaire de la langue (indexation dite libre), soit appartiennent à un langage documentaire tel qu’une classification ou un thésaurus (indexation dite contrôlée).
Ces mots sont censés indiquer au lecteur les principaux thèmes du texte ou de l’image afin de lui faciliter sa recherche.

Rappel : la liberté des idées et des informations

Les idées et les informations ne sont pas protégées par la propriété intellectuelle en général et donc pas par le droit d’auteur en particulier — ceci pour faciliter leur libre circulation et donc l’accès à la connaissance et à l’information pour tous.
Seule la mise en forme de ces idées ou informations est protégée par le droit d’auteur, c’est-à-dire l’agencement de mots dans des phrases, dans des paragraphes, selon un plan, etc. ou pour l’image les choix de cadrage, d’éclairage, de couleurs spécifiques, etc.
Repérer ces idées ou informations en vue d’indexer un texte ou une image, n’emprunte donc en rien à la partie protégée de l’œuvre de l’auteur.

Conséquence : la liberté d’indexation

L'indexation est donc libre. Là encore, nombreux étaient les auteurs de doctrine qui l’avaient déjà souligné en toute logique, mais la Cour de cassation l’a donc rappelé dans cette mémorable affaire.

Quid de la reprise des mots de l’auteur ?

Quand bien même un analyste oserait reprendre des mots utilisés par l’auteur, on voit difficilement où se trouverait l’originalité au sens du droit d'auteur puisque les mots d’une langue appartiennent à tous.
Il conviendrait toutefois d’être prudent dès lors que ce ne sont plus des mots isolés, mais des expressions qui sont reprises.
Dans ce cas, il serait judicieux de les utiliser entre guillemets de citation, rendant licite la reprise de cette expression au titre de la courte citation, même si elle constituait un apport original de l’auteur, c’est-à-dire si elle était protégée par le droit d’auteur en tant que telle (expression unique créée par l’auteur, jeu de mots, slogan qui va faire florès…)

Gare au droit moral…

Plus délicat serait le cas où l’indexation dénature le sens de l’œuvre de l’auteur, à la suite d’une incompréhension du texte par l’analyste. C’était — il faut le dire — le cas flagrant soulevé par le quotidien Le Monde, cas qui avait partiellement justifié l’assignation judiciaire de la société Microfor.
Même si la Cour de cassation, plus intéressée à l’époque par le fait de libéraliser la pratique documentaire afin de favoriser l’essor des bases de données bibliographiques françaises (ce que le Professeur Jérôme Huet qualifiera pertinemment de liberté documentaire), n’a jamais voulu s’aventurer sur le terrain du respect du droit moral, spécialement du droit au respect de l’œuvre, mais aussi de l’auteur au travers du sens qu’il a entendu donner à son œuvre. En l'espèce, on aurait pu en effet considérer que l’indexation effectuée par Microfor ne rendait pas fidèlement compte du vrai sens des propos des journalistes.

Qualité professionnelle et respect du droit moral vont de pair

Le risque inhérent au droit moral demeure toutefois en pure analyse juridique. Il rejoint une préoccupation professionnelle essentielle : la neutralité documentaire qui fait qu’en principe un bon professionnel ne commet pas ce genre d’erreur. C’est une question de qualité de la production documentaire.
Le droit d’auteur serait donc là pour sanctionner la mauvaise qualité professionnelle…

Autres questions consécutives à celles sur l’indexation

À partir de ces questions sur l’indexation, s’en posent d’autres fort intéressantes :

  • Un langage documentaire (classification, thésaurus) est-il une œuvre protégée par le droit d’auteur ?
  • Qu’en est-il des courtes citations évoquées ci-dessus ?

La première question, déjà rapidement évoquée sur ce site, fera l’objet d’une prochaine publication au titre de la série Droit et fonction documentaire.
La seconde est déjà traitée sur ce site, nous y renvoyons ci-dessous.

La solution à retenir

L'indexation n'emprunte en rien, dans une œuvre, aux éléments protégés par le droit d'auteur ; elle est donc parfaitement libre, à condition de ne pas dénaturer le sens de cette œuvre, ce qui rejoint de toute façon l'impératif de neutralité documentaire, gage de qualité professionnelle.

En savoir plus

Lire sur notre site :

Didier FROCHOT