Droit d'auteur et traductions – L'originalité, toujours l'originalité…

Chacun sait aujourd'hui que la pierre angulaire de la protection d'une œuvre d'auteur est celle de son originalité, ce terme devant être pris dans son sens juridique, c'est-à-dire, selon une expression couramment usitée en justice, "qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur", ou plus largement qui émane de l'esprit de son auteur.
Mais cependant, on ne peut considérer qu'original doive être synonyme d'artistique ou d'esthétique puisqu'un des fondements de la protection du droit d'auteur est de ne jamais prendre en compte le mérite esthétique de l'œuvre.
On assiste donc à des exercices d'équilibrisme de la part des juges qui doivent trancher entre ce qui est original et ce qui ne l'est pas, sans jamais se pencher sur le côté esthétique ou artistique de la création…

Nous avons déjà vu comment, à partir de ce critère d'originalité, de nombreuses photographies – spécialement les photos qui se bornent à rendre compte d'évènements d'actualité – pouvaient être considérées comme dépourvues d'originalité et par conséquent non protégées par le droit d'auteur (nos actualités du 22 novembre 2019 et du 23 avril 2021).

Traductions et originalité

Voici aujourd'hui de la matière pour alimenter la réflexion concernant l'originalité des traductions par rapport aux œuvres qu'elles sont censées traduire sans trahir.
Sans vouloir ouvrir le perpétuel débat des traducteurs entre les sourciers (qui respectent la source, quitte à  alourdir le style dans la langue d'arrivée) et les ciblistes (qui privilégient une traduction stylistiquement élégante pour rendre à l'œuvre, dans sa langue de traduction, une beauté et une force littéraires similaires à l'original), toutes les nuances d'atteinte à l'intégrité de l'œuvre peuvent se trouver dans une traduction, avec ce paradoxe : plus la traduction s'éloignerait du texte source, au risque de la trahir, plus elle serait originale, donc protégée par le droit d'auteur…

C'est à cette réflexion, prise sous sa seule facette juridique, que nous invite Me Jérôme Tassi, avocat, dans son article intitulé "« Le Traducteur ! Le Traducteur ! » : la question de la traduction et du droit d’auteur" publié le 8 juillet sur le site du Village de la justice.
Rappelant que "Sur le plan littéraire, la traduction peut être perçue à la fois comme un art et comme une trahison.", l'auteur se penche tour à tour sur "La protection des traductions par le droit d’auteur" (point 1) et sur "Les traductions et le seuil élevé de l’originalité" (point 2), évoquant à ce sujet que "l’évolution jurisprudentielle ayant relevé le seuil de l’originalité".

L'évolution du concept d'originalité ?

Comme le souligne justement l'auteur, on assiste depuis quelques années à une réévaluation de l'exigence d'originalité pour qu'une œuvre soit protégée par le droit d'auteur. Malheureusement, comme on le voit dans certaines décisions concernant les photographies, les juges flirtent dangereusement avec l'autre pôle qu'est l'indifférence du mérite esthétique de l'œuvre, et tombent parfois dans l'évaluation de l'apport esthétique des photos pour trancher sur leur originalité.

Voir toutes nos actualités sur le thème de l'Originalité en droit d'auteur.

Didier FROCHOT