Vous avez dit "identité numérique" ? - une expérience traumatisante

Depuis peu, dans le champ du concept émergent - et même bien emergé ! - d'e-réputation, cyber-réputation, web-réputation ou tout simplement réputation numérique, s'orne d'un nouveau terme qu'il serait faux de confondre avec les précédents : identité numérique.

On peut définir l'identité numérique comme l'ensemble des éléments présents sur les réseaux numériques - essentiellement Internet - qui vont se trouver associés, volontairement ou non, à une personne, une marque, une entreprise, une institution, un pays... Par exemple, l'individu portant bérêt, tenant sa baguette et son litron de rouge dans la poche est associé, par tradition populaire, au Français... Le mécanisme de l'identité est donc ce processus consistant à associer un certain nombre d'images, d'opinions, d'épithètes..., à un objet. 

Une expérience en vraie grandeur vient d'être lancée par le bimestriel Le Tigre qui plubie le "portrait Google" d'un individu pris au hasard, réalisé par Raphael Mletz, uniquement à partir des éléments trouvés sur lui via le célèbre moteur de recherche. Signalons d'ailleurs qu'on aurait pu faire la même expérience avec n'importe quel autre moteur.

Samuel Laurent, dans Le Figaro, a consacré un article à cet évènement. Nous en extrayons ce passage :
"C'est un certain Marc L. qui a eu la surprise de se découvrir dans les pages du magazine. Une expérience traumatisante, selon le récit qu'il en a fait à Presse-Océan. «Immédiatement j'ai enlevé toutes les informations me concernant sur Internet», explique Marc, qui dit n'avoir pas dormi pendant «plusieurs nuits» après cette expérience. Une preuve, selon Raphaël Meltz, que «rendre publique sa vie sur Internet est dangereux».

Le travail du journaliste est, il est vrai, impeccable : parti d'une photo de Marc laissée sur le site de partage d'images Flickr, il parvient à reconstituer dans le détail son séjour au Canada, avant d'évoquer son travail, qu'il a trouvé sur son profil Facebook. Sur Facebook toujours, Raphaël Meltz a pu retracer les liaisons amoureuses de Marc à partir de l'historique de son «statut», une petite phrase indiquant ce qu'on fait et visible par ses amis. Le portrait se poursuit par l'évocation de la carrière de musicien amateur de Marc, trouvé sur les archives Google de la presse locale, où Raphaël Meltz a également déniché le numéro de portable du jeune homme." (Le Figaro en ligne - 16/01/09).

Cette expérience, qui a très vite embrasé le Web médiatique, se veut une démonstration du fait qu'il est dangereux de laisser des informations et des photographies personnelles sur le Net. Même disséminées par bribes sur le Web, il est facile et rapide d'opérer tous les recoupements grâce aux outils de recherche. Nous tombons là en plein sur ce que toutes les législations de protection de la vie privée des pays libres ont voulu éviter : la puissance de recoupement de l'informatique et de ses dérivés (la loi française étant la loi Informatique, fichiers et libertés, du 6 janvier 1978, révisée le 6 août 2004, instituant la célèbre CNIL - Commission nationale de l'informatique et des libertés).

À partir de ce fait, deux constatations :

Contrôler son identité numérique est, plus que jamais un impératif

Il y a longtemps que les professionnels de l'information, voire du renseignement, connaissent le principe dit aujourd'hui de la Googlisation : il est ainsi très commode pour le service de communciation d'une grande ville ou pour les attachés parlementaires de son maire, également député, de suivre tout ce qui se dit sur lui, à la fois sur le Net et dans la presse papier (puisque la plupart des titres de presse ont leur double en ligne), grâce aux moteurs de recherche et aux outils d'alertes. Bien sûr, tant que seuls les personnages médiatisés au sens large (personnages dit "publics" en droit de l'image, mais aussi auteurs, enseignants, chercheurs ayant participé publiquement à des contributions écrites, des colloques...) sont ainsi référencés par les outils de recherche, cela n'atteint pas la vie privée. Mais avec le Web 2.0, tout un chacun publie ce qu'il veut, comme il veut, où il veut, sur lui, mais aussi sur les autres.

Il faut savoir que des clés d'accès peuvent restreindre la publicité d'un espace personnel. Je peux ainsi mettre toutes mes photos personnelles sur une plateforme de partage, mais en réserver l'accès à ceux à qui j'aurais communiqué un mot de passe. Je peux créer mon blog sur lequel je consigne mon journal personnel, mais je peux là aussi en restreindre l'accès. À condition bien sûr de ne pas céder à la mégalomanie tendant à croire que la publication de mon journal intime aux yeux de tous va changer la face du monde...

Mais il faut aussi savoir que la meilleure manière de n'être pas référencé, c'est d'avoir conscience des risques et de communiquer sur le Net de la manière la plus discrète possible, éviter l'étalage de sa vie privée, de ses photos personelles, etc. Ce n'est pas nouveau... Une antique sagesse nous dit que "Pour vivre heureux, vivons cachés" !

Ne pas oublier le cadre juridique

Beaucoup pensent qu'on a le droit de tout faire sur Internet, espace de liberté. Certes, il s'agit d'un espace de liberté, mais cette liberté, pour ne pas tourner à l'anarchie et au cahos, s'arrête là où commence celle de l'autre. Et des cadres juridiques sont là, précisément pour garantir celle de l'autre.

Comme bien souvent, le débat médiatique autour de cet évènement oublie trop largement cette dimension juridique, présentant le fait comme une sorte de fatalité. En matière d'e-réputation, on n'est rarement totalement démuni sur le plan juridique, mais il faut beaucoup de doigté et d'expérience pour analyser correctement la situation et surtout agir très rapidement, donc à l'amiable, car s'il faut attendre que la justice intervienne, l'information a eu le temps de se répandre et de s'incruster un peu partout, surtout dans les mémoires...

 

Voir l'article publié dans Le Tigre et sur son site : www.le-tigre.net/Marc-L.html

L'article du Figaro "Un internaute mis à nu à partir de ses traces sur le web" de Samuel Laurent (16/01/09) : www.lefigaro.fr/hightech/2009/01/15/01007-20090115ARTFIG00625-un-internaute-mis-a-nu-a-partir-de-ses-traces-sur-le-web-.php

Voir aussi l'extrait du journal de LCI qui a proposé un intéressant reportage de 2 minutes, avec intervention d'Alex Türk, président de la CNIL et d'un avocat spécialisé (15/01/09, 20h) : http://tf1.lci.fr/infos/high-tech/0,,4227194,00-la-web-reputation-un-outil-devenu-comme-un-autre-.html

Voir aussi notre offre en e-réputation : http://notre-offre.les-infostrateges.com/competence/e-reputation
Voir notre dossier spécial E-réputation : http://www.les-infostrateges.com/article/0807348/dossier-special-e-reputation


 

Didier FROCHOT