Noms de domaine et cybersquatting : un arrêt de principe de la Cour de cassation

Le 5 juin dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt de principe concernant l'octroi des noms de domaine déposés sous le domaine géographique .fr, spécialement sur des noms de domaine reprenant le nom d'une collectivité territoriale.

Les faits en bref

Une société avait déposé en 2004 les noms de domaine saoneetloire.fr et saone-et-loire.fr, régulièrement renouvelés depuis lors. En 2012, ils ajoutent le nom accentué saône-et-loire.fr (puisqu'il est possible de procéder à ce type de dépôt). En 2004, le département de Saône et Loire s'est vu refuser le dépôt des deux noms de domaine déjà réservés par la société. En 2011, le département a déposé la marque semi-figurative "Saône-et-Loire le département". Et en 2012, le département demande à la société le transfert des 2 noms de domaine déposés en 2004. Devant le refus de la société il saisit l'Afnic (Association française pour le nommage de l'internet en coopération, gestionnaire – registre dans le jargon internet – de tous les noms de domaines sous .fr), qui curieusement refuse le transfert. Le TGI de Nanterre annule la décision de refus de l'Afnic et ordonne le transfert. La cour d'appel de Versailles confirme ce jugement par son arrêt du 14 mars 2017. L'affaire monte alors devant la Cour de cassation.

Une constance judiciaire et un arrêt de principe évidents

Il est pour le moins étonnant que l'Afnic n'ait pas fait une plus juste application de la réglementation. En effet, l'arcticle L.45-2 3° du Codes des postes et des communications électroniques dispose :

"… l'enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est :
(…)
3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales ou d'une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi."

Dans cette affaire, l'intérêt légitime de la société déposante a sans doute joué aux yeux de l'Afnic, mais il n'a pas été suffisamment apparent aux yeux des juges pour que le refus de l'Afnic soit confirmé. Au contraire, ils ont fait jouer à tous les niveaux (TGI, cour d'appel et Cour de cassation) la règle de l'article 45-2 3° précité dans toute sa rigueur.

Cet arrêt vient donc rappeler que les noms de collectivités locales sont protégés, du moins sous le domaine géographique .fr. dans le cas d'une marque déposée, ils pourraient aussi l'être sous d'autres domaines génériques tels que le .com, .info, .org, etc.

En savoir plus

Voir l'arrêt de la Cour de cassation du 5 juin 2019 sur Légalis.net.
Voir l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 mars 2017 sur le même site.

Didier FROCHOT