Les injures sur Facebook sont condamnables comme partout ailleurs

Nous consacrons notre troisième et dernier volet sur les facettes de l'application des délits d'information sur Facebook (voir nos actualités du 22 janvier et du 28 janvier).

Le 18 janvier dernier, la 17ème chambre du tribunal judiciaire de Paris a eu à se pencher sur un litige concernant des injures publiques proférées sur Facebook.

Faits et procédure en bref

Deux anciens amis et collaborateurs de travail s'étaient séparés. Longtemps après cette rupture, l'un des deux a fait envoyer par son manager une invitation à l'autre pour faire partie de ses "amis" sur Facebook. L'ancien ami a réagi agressivement à ce qu'il a vécu comme une provocation et a publié des propos injurieux contre l'invitant. Celui-ci a donc assigné son ex-ami pour délit d'injure publique.

La position de la 17ème chambre

Sur le caractère injurieux des propos

Les juges commencent par rappeler les termes de l'article 29 du la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui porte la définition de la diffamation et de l'injure, cette dernière se définissant comme "toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait".

Sur cette base les juges constatent que :

"Les propos relevés par le demandeur contiennent des termes insultants ou outrageants, portant atteinte à son honneur."

Ils poursuivent ainsi :

"Il sera néanmoins rappelé qu’en matière d’injure, la mauvaise foi se présume et qu’il appartient le cas échéant à l’auteur des propos de démontrer son absence d’intention fautive. Force est de constater en l’espèce que Monsieur Y. n’apporte nullement cette preuve dès lors que les propos poursuivis sont explicitement outrageants et que le fait qu’ils correspondent par ailleurs à son opinion personnelle ne leur ôte pas leur caractère injurieux. (…)
Enfin, il n’est nullement établi que ces propos s’inscriraient dans un débat d’intérêt général ou une polémique existant entre les parties de sorte que compte tenu de leur caractère outrancier, il doit être considéré qu’ils se distinguent de la manifestation d’une opinion, même critique ou péjorative, et excèdent les limites de la liberté d’expression."

Sur l'excuse de provocation

L'auteur des propos litigieux invoquait l'excuse de provocation pour justifier son message.

Un premier motif d'excuse relève d'autres évènements dans la vie de la personne injuriée que l'auteur des propos aurait estimé être une réécriture de l'histoire au bénéfice de cette personne, qu'il aurait trouvée révoltante. Cette excuse est balayée par les juges.

Le deuxième motif d'excuse aurait été l'invitation reçue à devenir "ami" de la personne dont il s'était éloigné.

Sur ce terrain les juges rejettent aussi l'excuse sur ces bases :

"De même, “l’invitation” du manager du demandeur, qui n’émane donc pas de ce dernier, ne peut être considérée comme une provocation directe et personnelle de nature à justifier les propos injurieux.
L’excuse de provocation ne sera donc pas retenue."

La condamnation

Les juges déclarent donc les propos de l'intéressé constitutifs d'injure publique, précisant au passage en détails quelles phrases dans les propos publiés justifient cette qualification. Ils condamnent par conséquent leur auteur à 1000 euros de dommages-intérêts et à 2000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile (défraiement du demandeur des sommes engagées pour poursuivre) et aux dépens du procès (frais de justice).

En savoir plus

Consulter les détails des propos qualifiés d'injurieux, lire le jugement – rédigé dans un style très clair et très argumenté – sur l'excellent site Legalis.net.

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Didier FROCHOT