Le délit d'usurpation d'identité confirmé et renforcé par l'Assemblée nationale

L'usurpation d'identité est une des plaies grandissantes de notre société, notamment sur Internet. Elle constitue l'un des aspects de l'e-réputation (cyber-réputation, web-réputation ou réputation numérique).

Un des avatars de la LOPSI 2

Au cours des débats sur la LOPSI 2 (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure), les députés ont voté lors de la deuxième lecture du texte, le 15 décembre, une version plus musclée du délit d'usurpation d'identité.

De fait, le délit existait, si l'on ose dire, en filigranes dans le projet de loi déposé par le Gouvernement  le 29 mai 2009. Mais ce texte prévoyait de s'insérer dans le code pénal au chapitre sur les "atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne" dans le titre sur les "atteintes à la personne physique". Étrange placement pour ce qui relève à l'évidence de "l'atteinte à la personnalité" et "à la vie privée", soit au chapitre 6, section 1 du même titre.

Un texte clarifié et renforcé par les parlementaires

Un rapide coup d'oeil des diverses versions du texte, adopté en 1ère lecture à l'Assemblée, puis au Sénat jusqu'à ce vote en 2ème lecture devant la chambre basse, permet de prendre la mesure de l'évolution, et de l'importance du travail législatif, grâce au pouvoir d'amendement.

Dans le cas présent, le déplacement du texte vers ce que nous pensons être sa bonne place dans le code pénal et sa clarification sont d'abord l'œuvre du Sénat.

Il ne s'agit plus d'incriminer "Le fait d’utiliser, de manière réitérée, sur un réseau de communication électronique l’identité d’un tiers ou des données qui lui sont personnelles, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d’autrui" (projet de loi initial) mais depuis le passage au Sénat "Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération" (Texte adopté au Sénat le 10 septembre 2010).

Revu pas nos députés, apparemment stimulés par le travail du Sénat, l'actuel texte complet est le suivant :
"Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur, à sa considération ou à ses intérêts est puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 20 000 €.
Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne.

Ce texte doit encore repasser en 2ème lecture devant le Sénat, mais dès à présent, même s'il doit y avoir de nouvelles modifications de détail, le délit d'usurpation d'identité est entré dans les mentalités et le sera bientôt dans notre droit positif.

Un élargissement salutaire du texte d'origine

Il est à noter qu'on est parti d'un texte gouvernemental plutôt abscons, uniquement centré sur la commission du délit sur "un réseau de communication électronique", pour arriver à un texte de portée plus générale, dégagé des seuls réseaux, avec un alinéa supplémentaire (créé par le Sénat) pour la commission de l'infraction sur les réseaux. De sorte que les vicitmes d'usurpation d'identité dans la vie de tous les jours (vol d'identité pour les cartes de paiement, pour les aides sociales, pour les demandes de crédit à une banque) sont pris en compte.

De la veille juridique d'anticipation

Notons que la présente analyse constitue ce que nous appelons la veille juridique d'anticipation, veille rapprochée de surcroît, puisque nous descendons dans les diverses versions du texte en gestation pour prendre la mesure de ses évolutions. On pourrait aller encore plus loin en dépouillant ligne à ligne les débats eux-mêmes, repérer qui a introduit tel morceau du nouveau texte, etc. Mais il ne nous paraît pas utile de le faire ici.

Il reste aussi à attendre que le texte retourne au Sénat en 2ème lecture et de suivre les ultimes évolutions éventuelles du texte en question.

Références

Pour les curieux et les juristes pointus sur ces questions voici les références des diverses versions du texte de la loi (ici c'est l'article 2 de la loi qui est visé) :

Projet de loi initial (27 mai 2009) :
www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl1697.asp

Texte adopté par l'Assemblée en 1ère lecture le 16 février 2010 :
www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0417.asp

Texte adopté par le Sénat en 1ère lecture le 10 septembre 2010 :
www.senat.fr/leg/tas09-159.html

Le débat sur l'article 2 du projet de loi, lors de la séance publique de l'Assemblée nationale le 15 décembre :
www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2010-2011/20110083.asp#P896_207217

Texte résultant des délibérations de l'Assemblée nationale à l'issue de la seconde séance du 15 décembre 2010 (une sorte de texte reconstitué par les services de l'Assemblée, permettant de voir quel serait le texte s'il était adopté en l'état - document pdf : 311 ko) :
www.assemblee-nationale.fr/13/ta-pdf/2827_16122010.pdf

Sur la veille juridique sur le droit français :

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Didier FROCHOT