La Cour de justice européenne invalide la directive sur la conservation des données Internet

Nous l’avions signalé en avant-première lors de la publication des conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (notre actualité du 25 février dernier) la directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications, et modifiant la directive 2002/58/CE s’est avérée non-conforme à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Une décision à demi-inattendue

Dans un souci de pragmatisme, l’avocat général avait suggéré, dans ses conclusions du 12 décembre 2013 "de tenir en suspens les effets du constat d’invalidité pour que le législateur de l’Union puisse prendre, dans un délai raisonnable, les mesures nécessaires pour remédier à l’invalidité constatée" (communiqué de la CJUE de décembre).
La Cour en a décidé autrement dans son arrêt du 8 avril. Que pouvait-elle d’ailleurs faire d'autre en pur droit ?
Elle tire les conséquences logiques de la non-conformité de ce texte et le déclare donc invalide, sans suivre son avocat général dans quelque atténuation que ce soit. Le Communiqué de presse, de même que la décision de la cour elle-même, sont parfaitement clairs à ce sujet. À lire ces textes, le verdict est indisuctable, conduit avec une rigueur juridique implacable, reprenant tous les arguments de non-conformité soulevés par l’avocat général le 12 décembre, tout comme s’il s’agissait d’une infraction commise que quelque ressortissant de l’Union… sauf que en l'occurrence, c’est une directive adoptée par le Parlement et le Conseil européens qui est ainsi invalidée.

Des conséquences en cascade vertigineuses

Si on applique la pure logique juridique, force est de constater qu’une directive européenne invalide n’a pu porter des effets de droit valides par sa transposition au sein des États-membres. De sorte qu’aucune des lois de transposition dans les 28 pays n’est valide. Et de sorte que, par exemple, toutes les procédures judiciaires pénales qui ont été instruites et jugées sur la base d’informations collectées parmi les données conservées par les opérateurs de réseaux risquent fort d’être, elles aussi, rétroactivement invalidées. Il ne serait donc pas impossible que des demandes de révision de certaines affaires ou d'annulations de condamnations n’affluent prochainement dans les prétoires…

Affaire à suivre, donc.

En savoir plus

Le communiqué de presse en date du 8 avril 2014 (pdf, 220 Ko) :
http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2014-04/cp140054fr.pdf
La décision en texte intégral sur le site de la Cour :
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=150642&text=&doclang=FR
Et sur le site Eur-Lex :
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?&uri=CELEX:62012CJ0293

Didier FROCHOT