Fichiers privés d'un salarié et consultation par l'employeur

La thématique de l'accès aux fichiers personnels d'un salarié par son employeur en son absence vient de connaître un nouveau jalon en jurisprudence avec un récent arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

Faits et procédure en bref

Un salarié de la SNCF avait stocké sur son ordinateur professionnel divers documents à titre personnel. En son absence, l'employeur ayant saisi son ordinateur, y trouva diverses fausses attestations et des documents à caractère pornographique. Se basant sur ces découvertes, l'employeur licencia le salarié qui alors saisit le Conseil des prud'hommes au motif que les documents trouvés étaient classés dans un dossier dénommé "données personnelles".

La procédure va monter jusqu'en cour d'appel puis à la Cour de cassation qui vont confirmer l'une comme l'autre le bien fondé de ce licenciement.

Le salarié se tourna alors vers la Cour européenne des Droits de l'Homme siégeant Strasbourg (à ne pas confondre avec la Cour de justice de l'Union européenne), instance du Conseil de l'Europe (à ne pas confondre avec l'Union européenne), chargée notamment de faire respecter la Convention européenne des droits de l'Homme et de libertés fondamentales du même Conseil, de 1950. Le fondement de l'action du licencié était l'atteinte au respect de la vie privée, respect garanti par l'article 8 de la Convention précitée.

L'arrêt de la CEDH

L'arrêt rendu le 22 février dernier mérite une attention particulière.
La Cour note que la SNCF tolère que ses agents puissent utiliser à titre privé les moyens informatiques mis à leur disposition. Or c'est ce qu'invoquait l'agent qui avait stocké les divers documents ayant justifié son licenciement dans un dossier "données personnelles".

Le diable est dans les détails

La cour d'appel avait déjà relevé que la SNCF, dans sa charte des utilisateurs, mentionnait que les informations à caractère privé d'un agent devaient être spécifiquement mentionnées "privé". L'expression "données personnelles", en revanche, pouvait être interprétée comme des données professionnelles, traitées personnellement par l'agent en question. En conséquence, la CEDH estime que les autorités judiciaires françaises n'ont pas violé le droit et n'ont pas porté atteinte à la vie privée de l'intéressé.

Du principe de travail professionnel à l'exception de données privées

Comme on le voit, ici comme ailleurs, il importe d'avoir le mot juste… Cela s'explique par le fait que, par principe, tout document produit par un salarié sur son matériel professionnel est par défaut professionnel, l'exception étant une production privée qu'on pourrait dire résiduelle et tolérée. Il convient dès lors de respecter un certain formalisme propre à protéger sa vie privée au travail.

En savoir plus

Consulter :
- L'arrêt du 22 février 2018 sur le site de la CEDH : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-181074 
- La note d'information de la Cour : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=002-11848
- Le communiqué de presse de la Cour : http://hudoc.echr.coe.int/fre-press?i=003-6014255-7712445

En synthèse, consulter la fiche Surveillance au travail publiée par la Cour (pdf, 214 ko, 5 pages) :
http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Workplace_surveillance_FRA.pdf

Didier FROCHOT