Droit d'auteur : qu'est-ce qu'une œuvre ?

Dans une de nos dernières actualités (28 juin), nous posions la question de savoir ce qu'est un auteur. Nous abordons à présent le pendant  : qu'est-ce qu'une "œuvre" ?

Une création intellectuelle

Une œuvre, au sens de la loi sur le droit d'auteur, est d'abord une création intellectuelle, c'est-à-dire émanant de l'esprit d'un être humain — nous l'avons évoqué pour l'auteur —, ce qui est la raison pour laquelle un animal ne peut être auteur. La loi — aujourd'hui le Code de la propriété intellectuelle — use volontiers de la périphrase d' "œuvre de l'esprit" pour qualifier une création protégée par le droit d'auteur.

Une création "originale" : le faux-ami

Mais pour qu'il y ait œuvre, et donc protection, il faut que cette création soit "originale". Et là s'ouvre sous nos pas un océan de malentendu sur l'adjectif original qu'il serait téméraire de pendre au pied de la lettre, ou plus exactement, dans son sens commun : "qui sort de l'ordinaire". C'est pourquoi nous parlons couramment de faux-ami, comme dans une langue étrangère. En vérité, en droit d'auteur "original" revêt un sens quasi étymologique : "qui a pour origine" l'esprit humain. On comprend dès lors que serait erronée la tentation de considérer comme "banale" donc non originale et non protégée une création manquant, par exemple, de qualité artistique. En effet, le droit d'auteur s'interdit par principe de distinguer le mérite artistique ou esthétique d'une œuvre, tout autant que sa forme d'expression (notée ou improvisée), la destination (création industrielle ou artistique) et pour finir le genre (littéraire, musical, plastique).

La liberté des idées et des informations

À l'autre pôle, il importe de ne pas perdre de vue que les idées et les informations sont libres, de libre circulation et pas conséquent insusceptibles d'appropriation. Ce n'est donc pas de simples idées qui seront protégées en tant qu'œuvres. Il existe même un gouffre juridique insoupçonné dans les propos d'un l'auteur lorsqu'il affirme "mon roman est fini ; il ne me reste plus qu'à l'écrire".

Des critères concrets

C'est précisément dans cet acte d'objectivation de l'idée, dans son "in-formation", dans sa "mise en forme", que réside l'acte créateur protégé par le droit d'auteur.
C'est par exemple l'écrivain qui fixe un texte sur le papier, sous forme de manuscrit, de tapuscrit, voire de numéruscrit. Et cette protection joue dès la premier jet puisque l'article L.111-1 du code précité dispose que l'auteur jouit sur son œuvre, "du seul fait de sa création" d'un droit de propriété sur son œuvre.
Il en est de même d'un dessin, d'une peinture, d'une mélodie, d'une orchestration…

Dès l'instant qu'il y a acte créateur, c'est-à-dire passage volontaire et humain du monde des idées au monde des choses sensibles, pour citer des catégories philosophiques connues, il y a œuvre.

La liste des œuvres possibles ne saurait donc être limitative, même si le Code en donne une énumération, purement indicative.

Il suffit qu'il y ait :

  • Un apport personnel intellectuel ;
  • Une objectivation tout aussi personnelle.

C'est ainsi que la simple juxtaposition délibérée d'objets banals dans ce qu'il est convenu de nommer "installation" en art contemporain constitue à n'en pas douter une œuvre d'auteur.

Des protections concurrentes possibles

Le fait qu'un création soit qualifiée d'œuvre d'auteur et protégée en tant que telle n'empêche pas que la même création puisse être protégée par un autre dispositif de propriété intellectuelle, comme par exemple le droit des marques, ou des dessins et modèles. Ainsi, le nom Les Infostratèges était-il dès l'origine la propriété de ses coauteurs, fondateurs de la société, au titre du droit d'auteur, mais ensuite il fut protégé en tant que nom commercial de la société, puis en tant que marque déposée dès que celle-ci fut régulièrement enregistrée à l'INPI.

En savoir plus

Sur originalité et droit d'auteur, nos actualités du 2 février et du 9 février 2016.
Sur la liberté de l'information et des idées, notre article du 30 juillet 2008 du 8 octobre 2012.

Voir aussi notre ouvrage (3ème édition, novembre 2015) : "Propriété intellectuelle et droit de l'information appliqués aux collectivités locales" chez Territorial Éditions.
 

Didier FROCHOT