Copyright ou copyright ? : du double sens juridique de ce mot anglais

Une grande confusion translangue règne avec l’usage et le mésusage du mot copyright et son acception véritable. Une mise au point semble donc s’imposer. Cette confusion règne bien légitimement dans l’esprit du grand public, mais hélas aussi dans l’esprit de quelques juristes, pas forcément spécialisés en propriété intellectuelle.

Mode du franglais, quand tu nous tiens…

Le mot est ainsi usité, même dans un contexte français : on croit ainsi faire branché en sacrifiant à la mode du franglais. Malheureusement, les mots ayant un sens précis, en droit plus qu'ailleurs, c’est un peu à côté de la plaque : en France, on parle de droit d’auteur. Copyright — chacun l’aura remarqué — est un mot anglais, visant des réalités juridiques anglaises à l’origine.

Le copyright des origines à nos jours

Le mot copyright, visait à l’origine, en 1709 presqu’un siècle avant de nos révolutionnaires français ne s’inquiètent de la question, la protection dont disposait l’auteur en pays britannique de contrôler la copie de ses œuvres. Ce mot a ensuite pris le sens plus général, semble-t-il vers 1850, de droit d’auteur, c’est-à-dire qu’il couvre à la fois le droit de reproduction (copie) et les autres droits tels que la représentation, la traduction, l’adaptation, etc.
Le mot copyright n’est donc pas autre chose que la manière anglophone de désigner le système de protection de l’auteur, appelé droit d’auteur dans les pays francophones.

Droit moral ou pas

Là-dessus se sont greffées des considérations d’ordre juridique pur puisque, pendant longtemps, les pays ayant adopté le système juridique de copyright (les pays sous administration britannique devenu le Commonwealth, les États-Unis qui ont forgé leur propre système dès leur indépendance, et quelques autres pays) n’ont pas retenu le respect de l’auteur et de l’intégrité de son œuvre, ce qu’on nomme le droit moral dans les pays ayant adopté le droit d’auteur dit à la française.

D’où une dichotomie fondamentale entre les pays dits de copyright et ceux de droit d’auteur (sous-entendu à la française). Aujourd’hui, cette dichotomie n’a plus lieu d'être puisque la plupart des pays du monde (quelque 167 sur les 193 pays reconnus par l’ONU) reconnaissent le droit moral de l'auteur en s'étant ralliés à la Convention de Berne remontant à 1886, laquelle admet le droit moral dans ses textes depuis 1928.
C’est ainsi que, par exemple, le Royaume-Uni a introduit le droit moral dans son système de copyright en 1989 pour pouvoir signer cette convention.

Pour ajouter à la confusion : la mention de copyright de la Convention de Genève

La confusion a largement été ravivée avec l’apparition de la Convention de Genève, lancée en 1952 et entrée en vigueur en 1955. N’entrons pas dans les nombreuses considérations qui ont amené au lancement de cette convention concurrente de celle de Berne. Ce qu’il faut savoir ici, c’est que l’article III.1 de cette convention prévoit que pour être protégée dans tous les pays signataires, « tous les exemplaires de l’œuvre publiée avec l'autorisation de l'auteur ou de tout autre titulaire de ses droits portent le symbole © accompagné du nom du titulaire du droit d'auteur et de l'indication de l'année de première publication ».
Ainsi est apparu le symbole © comme copyright ou droit d'auteur et ce qu’on appelle aujourd’hui la mention de copyright.

Une mention souvent utilisée à tort et à travers

Comme ce symbole est aujourd’hui utilisé un peu partout, parfois même à tort, l’idée s’est imposée dans le public que ce symbole signalait l’existence d’un copyright, alors qu’il ne fait que rappeler que l’auteur entend voir protéger son œuvre à l’aide du système de droit d’auteur de son pays, conformément à la convention de Genève. Au reste, cette obligation formelle n’a aucune valeur en droit français, pour des raisons juridiques que nous n’expliquerons pas dans le court espace de cette actualité. Pour les mêmes raisons, elle n’a plus de valeur juridique dans tous les pays ayant signé la Convention de Berne. L'usage de cette mention par de nombreux auteurs est soit par pure ignorance (n'étant pas juristes, on leur a dit qu’il fallait le faire, sans qu’ils sachent trop pourquoi) soit surtout parce que ce symbole manifeste la volonté claire de l’auteur de ne pas voir son œuvre contrefaite (plagiée, en langage courant). Il précise en outre par la mention de l’auteur qui doit suivre, à qui on doit s’adresser pour demander l’autorisation d’exploiter l’œuvre. 
C’est, à notre avis, la généralisation de l’usage de cette mention qui est la plus grande cause de la confusion qui règne aujourd’hui autour du mot copyright.

Pour résumer

Résumons en quelques propositions simples.

  1. Le copyright est le nom anglais du système juridique de protection de l’auteur et de son œuvre. À ce titre il est le parfait synonyme de droit d’auteur.
  2. Ce système prévaut, avec de larges aménagements depuis le 18ème siècle, dans la plupart des pays ayant été sous administration britannique (Commonwealth) ainsi qu’aux États-Unis.
  3. Il tend à se rapprocher du système dit de droit d’auteur à la française, notamment depuis que la plupart de ces pays se sont ralliés à la Convention de Berne qui a introduit, entre autres caractéristiques française, le droit moral.
  4. La mention de copyright est une mention qui est apposée à un texte pour lui conférer la protection accordée par la Convention de Genève.
  5. Ce n’est plus une condition de protection de l’œuvre dans le monde depuis que la plupart des pays ont rallié la Convention de Berne. Elle n’a jamais eu de valeur juridique en France puisque notre pays a toujours été partie à cette convention, dès l’origine (9 septembre 1886).

En savoir plus

Lire :
Notre article de synthèse Droit d’auteur : mode d’emploi
Nos fiches synthétiques sur le droit d’auteur et le droit d’exploitation
Le schéma associé à cette fiche

Voir la convention de Genève sur le site de l’UNESCO qui en a la gestion :
http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=15381&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

Voir la Convention de Berne sur le site de l’OMPI qui la gère :
www.wipo.int/treaties/fr/ip/berne/trtdocs_wo001.html

Voir aussi notre actualité du 7 février 2017 pour d'autres précisions.

Didier FROCHOT