Vers la société de l'information (2) : un rôle stratégique au sein de l'entreprise

Les technologies de l'information étant bien maîtrisées (cf. Partie I), celles-ci permettent au professionnel de l'I-D d'accroître son rôle stratégique, au sein de l'entreprise.
Bien que les professionnels de l'I-D les plus dynamiques aient, depuis un certain temps, joué ce rôle, l'arrivée des nouvelles technologies leur apporte des outils supplémentaires pour mener à bien leur mission. Celle-ci est principalement orientée vers l'aide à la décision (I), l'accompagnement du changement (II) et la structuration du savoir-faire de l'entreprise (III).

I. L'aide aux processus de décision

L'information professionnelle est devenue une ressource-clé du développement des entreprises. Il faut donc pouvoir surveiller, à tout moment, la concurrence et ses produits, connaître les évolutions des environnements économiques, technologiques, juridiques et politiques. Au-delà de l'intermédiation, le professionnel de l'I-D peut fournir à l'entreprise, l'information pertinente utilisée dans le cadre des processus décisionnels internes. Cette démarche relève de l'intelligence économique qui " est constituée par l'ensemble des concepts, des outils, des méthodologies et des pratiques permettant de mettre en relation, de façon pertinente, différentes connaissances et informations dans la perspective de la maîtrise et du développement de la dynamique économique. " (1)
D'origine anglo-saxonne, le mot intelligence doit être compris dans le sens de renseignement. Il s'agit donc de rechercher, traiter et distribuer une information personnalisée qui éclairera les décisions stratégiques des acteurs économiques.(2)
La quête de l'information pertinente renvoie aux notions de veille et de surveillance de l'environnement. Cette phase d'observation doit être prise en main par des experts, aptes à cerner les données informationnelles significatives. Celles-ci seront ensuite traitées, ce qui " implique de donner du sens aux apparences informationnelles, des suites de "bits" n'ayant pas de sens en dehors de leur mise en perspective dans un contexte donné " (3). Cette phase d'interprétation est indispensable car la chasse au sens dans ces gisements informationnels devient une véritable priorité. Enfin, la phase d'intégration permet de rendre opérationnelle l'information-décision qui participera ainsi à la fonction d'intelligence de l'organisation.

Les informations collectées peuvent provenir de diverses sources, ce qui conduit à analyser des études de secteur, des rapports annuels, des plaquettes commerciales d'entreprises concurrentes, de la littérature grise, etc... Des documents papier aux documents numériques, l'inflation informationnelle obligera à faire des choix judicieux.
En revanche, une chose est certaine. Il s'agit désormais d'être à l'aise dans cette société de l'information. La connaissance des nouvelles technologies et plus spécifiquement de l'Internet, avec leurs outils et leurs fonctionnalités, permet de se repérer plus facilement dans ces nouveaux gisements informationnels afin de trouver des données stratégiques pour l'entreprise. En outre, les réseaux de type Intranet facilitent la mise en place de notifications d'alerte sur les nouvelles informations apparaissant comme essentielles.

Enfin, il faut être capable de se transformer en véritable expert ou conseiller au sein de l'entreprise pour orienter vers les meilleurs choix d'outils de traitement de l'information. Dans le cas d'un Intranet, l'organisation pourra, par exemple, décider d'y incorporer un moteur de recherche (ou search engine) pour accélérer le retrouvage de l'information. De par son expérience dans le domaine, le professionnel de l'I-D sera compétent pour mener une véritable étude comparative autour de différents produits. Sa connaissance des langages contrôlés, des opérateurs booléens et de proximité, etc. lui permettent d'évaluer l'efficacité de tel ou tel produit. (4) Le rapport comparatif est dès lors susceptible d'influencer le choix fait par l'entreprise.

II. Acteur du changement

Quel que soit le domaine d'activité de l'entreprise, celle-ci voit désormais son développement lié chaque jour encore plus largement à la qualité de l'information qui circule en son sein. Pour être performante, dans un contexte instable et difficile, elle doit pouvoir faire les bons choix, au bon moment. Par ailleurs, celle-ci est amenée à fournir aux collaborateurs concernés, l'information nécessaire, just in time (juste à temps) après que cette dernière ait été traitée puis validée. Face à un environnement extrêmement mouvant, le professionnel de l'I-D sait s'organiser pour trouver le juste équilibre entre deux aspects indispensables de son service : la pérennité et l'adaptabilité. Il convient donc de repenser constamment les objectifs de son service en fonction des enjeux du moment. (5)

Savoir anticiper les changements représente un avantage certain. Ainsi, après avoir pris conscience d'une évolution future des enjeux informationnels au sein de l'entreprise, le professionnel de l'I-D doit se préparer progressivement à cette nouvelle logique. Dans le cas d'une mise en place d'un Intranet, il faudra souvent prévoir un véritable bouleversement concernant la diffusion de l'information. Par la suite, il est primordial de garantir le passage avec succès vers le nouveau système. Ce dernier doit susciter l'adhésion auprès des collaborateurs concernés qui doivent pouvoir rapidement gagner leur autonomie dans ce nouveau contexte. Pour cela, le professionnel de l'I-D peut utiliser différents vecteurs dont les principaux seront la communication, l'information sur chaque poste de travail ainsi que la formation aux nouveaux outils.

Un certain nombre de collaborateurs pourront rejeter le système dans la mesure où ils craignent : une perte de savoir-être (Qu'est-ce qu'on attend de moi ?), une perte de savoir conceptuel (A quoi ça va nous mener ?) et une perte de savoir-faire (Comment ça marche ?).(6) Pour réussir à concrétiser l'évolution en cours, il est nécessaire d'inscrire le changement dans la durée. Fin connaisseur des nouvelles technologies de l'information, le professionnel de l'I-D doit en devenir l'un des principaux propagandistes.

III. Garant du patrimoine de savoir-faire

Le professionnel de l'I-D remplit plusieurs missions au sein de l'entreprise. Il représente, tout d'abord, la fenêtre intelligente de celle-ci sur son environnement. Cela se concrétise donc par la recherche d'informations qui s'avéreront pertinentes pour le bon fonctionnement de l'organisation. Par ailleurs, le professionnel de l'I-D est amené progressivement à s'intéresser à la documentation interne à l'entreprise. Comme s'interroge Didier Frochot, " Peut-on nier que les plans et dessins techniques d'un avion soient des documents, que le volumineux mode d'emploi remis avec un logiciel bureautique soit de la documentation, que les masses de chèques traitées quotidiennement par une banque, que la comptabilité d'une entreprise soient des documents ? Et pourquoi le métier de la documentation, le métier de documentaliste refuserait-il d'embrasser dans son champ d'activité les questions complexes de gestion de tous ces documents ? " (7) On voit ainsi apparaître le concept de fonction documentaire à part entière qui englobe à la fois les enjeux de la documentation externe avec ceux moins bien maîtrisés de l'information interne (documents techniques, documentation produit, documentation qualité,...).

En devenant une ouverture vers le monde interne de l'entreprise, l'Information-Documentation peut devenir un acteur central, garant du patrimoine de savoir-faire interne. L'information détenue par les collaborateurs comme, par exemple, le savoir et le savoir-faire gagnera en efficacité si elle est formalisée, diffusée et partagée collectivement. Cette source d'expertise pour tous devient un " accélérateur de la courbe d'expérience commune, elle enrichit le patrimoine de compétences et devient un avantage concurrentiel durable, dont l'effet de levier est ressenti en termes de performance globale. " (8) Le professionnel de l'I-D joue alors un rôle primordial en identifiant les sources d'expertise, en explicitant les savoir-faire avant de les formaliser pour mieux les diffuser.

Les nouvelles technologies, telles qu'Intranet, apparaissent comme des outils efficaces pour capitaliser les expériences et mettre en place une mémoire collective. On peut trouver trois types d'informations dans une entreprise : l'information déjà numérisée, l'information non numérique et le savoir-faire détenu par les collaborateurs. L'Intranet constitue une solution idéale pour rassembler ces différentes informations afin qu'elles soient disponibles à partir de n'importe quel poste de travail. Par exemple, l'intranet de la société Hervé Thermique est très novateur. En effet, ce Web privé propose un arbre de compétences qui permet de connaître les ressources professionnelles de l'entreprise et améliorer la réactivité sur les contrats ou les appels d'offres.(9) La maîtrise des nouvelles technologies permet donc au professionnel de l'I-D de participer encore plus efficacement au développement d'une véritable culture d'entreprise.

|cc| Fabrice Molinaro - 1998 - janvier 2004.

Notes :

1. Jean Michel, Veille informative, veille stratégique, intelligence économique - un nouveau pouvoir dans les entreprises, Communication à l'Ecole d'été - pôle Grand Est organisée par l'IUFM de Franche-Comté, juin 1998, p 2.
Disponible sur Internet : http://michel.jean.free.fr/publi/JM306.html
2. Bruno Martinet, L'intelligence économique. Nouveau concept ou dernier avatar de la documentation dans les entreprises, in Documentaliste Sciences de l'information , Vol 30, No 6, 1993, p 317-318.
3. Jean Michel, Veille informative, veille stratégique,... , p 4.
4. Peggy Zorn, Mary Emanoil Lucy Marshall, Mary Panek, Surfing corporate Intranets in Online, may - june 1997, p.32.
5. Jean Pintéa, Le responsable des ressources documentaires et d'information face aux enjeux de la gestion documentaire de demain, Forum INTD sur les enjeux documentaires de l'entreprise, mai 1995, p 47.
6. Ibidem, p 48-49.
7. Didier Frochot, Comment situer le service documentaire dans la structure générale de l'entreprise in Documentaliste - Sciences de l'information, Vol. 32, No. 6, 1995, p.305.
8. Jean Pintéa, op. cit. , p 50.
9. Philippe Leroy, Intranet à tous les étages in Planète Internet, février 1997, p. 60.

 

Fabrice MOLINARO