La communication dans les métiers de l'information-documentation

Au musée

Qu'est-ce qu'un musée si ce n'est qu'une vaste opération de communication d'objets ayant valeur documentaire et d'information, ou valeur artistique ? La muséologie moderne en a parfaitement pris conscience, c'est pourquoi il est fait appel à des scénographes pour la communication et la mise en valeur des collections.
Tout est communication dans un musée ; nous laissons au lecteur le soin de retrouver les éléments qui participant à cette communication.

En bibliothèque

Bien entendu, l'accueil des publics en bibliothèque participe de la communication. C'est trop évident pour que nous ayons besoin d'y insister. En revanche, là où le principe fondamental de la communication doit reprendre ses droits et où on l'oublie encore trop souvent, c'est dans la mise à disposition d'outils de recherche. Ainsi, le jargon professionnel devrait-il être systématiquement banni de tous les outils proposés au public. Par exemple, monographie est un terme hermétique pour la plupart des utilisateurs alors que le mot ouvrage, sans doute moins précis pour les professionnels, est plus parlant pour l'utilisateur. De même les mots catalogue, vedettes-matières, et autre collectivité auteur... Mais il y a un plus vaste exemple.
Le premier langage que doit maîtriser un lecteur arrivant dans une bibliothèque est cet ensemble de connaissances qui lui permettra de se servir de l'outil bibliothèque : l'existence de fichiers classés par ordre alphabétique d'auteurs, par ordre alphabétique de sujets et de titres. Au sein de cet ensemble de savoirs élémentaires réside la maîtrise d'un premier langage de base : la connaissance de l'ordre alphabétique... Ainsi, le mode d'emploi de la bibliothèque est-il déjà une sorte d'infra langage. C'est ce langage de base qu'enseignent les personnels chargés de l'initiation à l'utilisation de la bibliothèque et le manuel du lecteur lorsqu'il en existe un.
De la même manière, on pourrait décrire les éléments de base pour maîtriser le maniement d'un ordinateur, en vue de consulter des cédéroms ou Internet. Apprendre à rechercher à partir d'un moteur de recherche sur Internet ou à partir du catalogue en ligne de la bibliothèque relève aussi de la maîtrise de langages spécifiques. Et la liste des illustrations n'est pas close.

En documentation

Ce que nous allons dire sur la documentation est en partie transposable dans le monde des bibliothèques.
La théorie de la communication reçoit une double application dans le cadre de la mission classique des documentalistes.

Opération générale de communication

Il est courant d'affirmer que le documentaliste est un médiateur. Cette qualification montre son rôle de communicateur. Mais quelle communication ? entre qui et qui ? On le dit médiateur, il faut donc bien qu'il s'entremette entre deux interlocuteurs. Le premier est évident, c'est l'utilisateur, souverain absolu, roi de la démarche qualité (puisque la qualité se définit comme la satisfaction du besoin de l'utilisateur), sans lequel les documentalistes n'existeraient pas (de même que les bibliothèques n'existeraient pas s'ils n'y avait pas de lecteurs). L'autre interlocuteur, c'est la masse immense d'informations dans laquelle il s'agit de retrouver la donnée adéquate. Dans une perspective d'ensemble, le documentaliste est le trait d'union entre un utilisateur qui cherche quelque chose et qui a en face de lui la masse indifférenciée et chaotique d'informations que constitue le monde. Le documentaliste, lui, sait rechercher dans cette jungle, dont il connaît les chemins, les méandres et les pièges. Il saura donc extraire la bonne information de ce magma. Nous pouvons d'ailleurs affirmer avec certitude que là est le cœur du métier documentaire : un savoir-faire de retrouvage...(1) Trop souvent, on ne voit que la partie en amont de l'opération : la relation entre l'utilisateur et le documentaliste. C'est une des richesses humaines de ce métier. Mais on ne considère pas assez souvent l'autre phase de communication consistant à se retrouver dans le corpus d'informations. Nous nous arrêterons quelques instants sur chacune de ces phases d'elles.

Phase amont

La phase amont vise la relation utilisateur - documentaliste toute proche de la relation lecteur - bibliothécaire. Toutes deux consistent en une relation interpersonnelle professionnelle dans laquelle il convient de servir un client (2) dont il faut comprendre les attentes. C'est là que la psychologie du professionnel intervient afin de bien cerner le besoin de l'utilisateur et d'y répondre au mieux. Or, il existe une infinité de raisons psychologiques pour lesquelles ce besoin ne sera pas forcément formulé de manière optimale. La question, le sujet de recherche, peut n'être pas clair dans l'esprit du client, ou encore des blocages psychologiques de toutes sortes peuvent entraver la communication. Une typologie des comportements des utilisateurs en bibliothèque a été remarquablement réalisée. On peut largement s'en inspirer et la transposer, tant il est vrai que les biais psychologiques à la communication se retrouvent partout. Nous en citerons quelques-uns :
Le comportement du dominant culturel : par définition pour lui, la documentaliste est forcément idiote et donc inapte à comprendre la question si fortement teintée de haute intelligence qu'il va condescendre à lui poser. Pourquoi dans ces conditions perdre son temps à lui faire comprendre ce qu'on cherche ? (3)
Le comportement du sujet légèrement paranoïaque, se croyant investi d'une mission hautement confidentielle et qui ne voudra pas dire sur quoi porte sa recherche pour que personne ne le sache. Au lieu de demander la confidentialité au documentaliste, il préférera le faire jouer aux devinettes et le lancer dans une recherche à l'aveugle !
Le comportement du dominé culturel (le plus souvent utilisateur externe) qui se présentera au service de documentation en s'excusant de demander pardon de déranger et qui osera à peine formuler sa question et à qui il faudra tirer les mots de la bouche.
L'inhibé qui n'osera pas franchement poser sa question parce celle-ci peut révéler des préoccupations considérées comme honteuses. Une demande d'information sur le SIDA ou sur les relations sexuelles sont des exemples typiques, bien connus en bibliothèque publique.
Le professionnel va donc mettre tout son savoir-faire en œuvre pour débroussailler la demande. De sorte que, partant du besoin exprimé, il parviendra, par reformulations successives, au besoin réel du client. À partir de cette mise au jour du besoin réel, qui est déjà une phase de communication à part entière (échange de messages pour reformuler la question), il va se mettre en quête d'une réponse au besoin. C'est la phase aval.

Phase aval

Cette phase fait appel à un savoir-faire technique des professionnels de l'information-documentation. Le professionnel va sélectionner, en fonction de la question posée, du degré de profondeur qu'exige la réponse, de l'exhaustivité de la recherche et d'autres facteurs, le ou les canaux d'accès à l'information, la ou les sources d'information susceptibles de répondre au mieux à la question (sources pertinentes). De sorte que la masse indifférenciée d'informations, cette jungle aux yeux de l'utilisateur non averti, devient un territoire balisé sur lequel le professionnel s'oriente parfaitement. Mieux : il sait parler les langues qui conviennent pour obtenir ici et là les réponses attendues. Ainsi en est-il de la maîtrise des logiciels documentaires pour l'interrogation des bases de données professionnelles ; ou bien de la connaissance approfondie des outils de recherche sur Internet ; de même le repérage de leurs spécificités et de leurs particularités permet parfois d'améliorer de plus de 50% les performances de la recherche. On peut voir la maîtrise de ces outils incontournables comme la pratique d'un langage. Cette combinaison de langages constitue ce que nous avons souvent appelé le métalangage professionnel. C'est ce qui fait le cœur du métier, c'est une partie du savoir-faire professionnel. Là encore, il s'agit d'une seconde phase de communication.

Schéma d'ensemble

Pour bien visualiser l'ensemble de cette communication, le schéma suivant illustre nos propos (4).

 


|cc| Didier Frochot — 2000 — décembre 2003

Voir aussi :

Méthodologie de recherche

Notes :

1. Ce soi-disant néologisme, lancé par Jean Michel et relayé avec joie par nous-même (tant il était parlant) a fait grincer des dents plus d'un puriste de la langue... jusqu'au jour où, les oracles encyclopédiques consultés, on s'est aperçu qu'il s'agissait d'un mot français du XVIIIème siècle, certes tombé en désuétude, qui aurait bien pu inspirer le mot anglais retrieval...
2. Nous employons, à dessein, le terme de client puisqu'il s'agit d'une relation de prestation de service, si culturelle et si désintéressée soit-elle...
3. Nous avons un peu chargé le tableau (mais si peu ???) en l'élevant au niveau de la caricature, avec le comportement machiste de certains utilisateurs de sexe masculin et la documentaliste, inévitablement de sexe féminin (90% de la profession est féminisée). Nous ne sommes, hélas, pas si loin de certaines réalités encore persistantes...
4. Olivier Roumieux, Étude de l'accès par tout public d'une banques de données : aspects psychologiques et techniques. - Mémoire INTD, 1993, sous notre direction.

Didier FROCHOT