Du mythe du vide juridique au droit de l'internet

Il n'y a pas de vide juridique sur internet

Contrairement à une opinion entretenue par certains médias, il n'y a jamais eu de vide juridique sur Internet. L'affirmer revient aussi à accréditer l'idée selon laquelle le droit est démuni dès qu'un nouveau phénomène survient. Ce qui est méconnaître le fonctionnement même du droit. Rappelons que le droit est un système de grands principes qui s'appliquent à des situations décrites abstraitement. Le droit veille à embrasser une même réalité large dans un même corps de règles pour éviter les disparités de régime.
De nombreuses dispositions existant déjà en droit français s'appliquent donc à l'Internet, sans l'ombre d'une adaptation. D'autres au contraire ont été modifiées à l'occasion de l'émergence d'Internet. Mais il existe bien un droit applicable à Internet.

Il n'y a pas de droit de l'internet

C'est avec quelque paradoxe que nous soutenons qu'il n'y a pas de droit de l'Internet après avoir affirmé qu'il n'y a pas de vide juridique... Mais compte tenu de la préexistence de règles qui ont vocation à s'appliquer au phénomène Internet, il est impossible d'identifier un droit de l'Internet proprement dit. Il serait préférable de décrire l'Internet comme un phénomène accueillant un certain nombre de règles de droit. La matière - si droit de l'Internet il y a - est donc très largement transversale. L'illusion du vide juridique paraît donc persister lorsqu'on recherche dans une base juridique française à l'aide du mot Internet, et pour cause... Quelques exemples le montreront.

La propriété intellectuelle

La propriété intellectuelle et spécialement du droit d'auteur s'applique à toute création intellectuelle quel que soit le support et le procédé de reproduction ou de diffusion.

La droit de la presse

Il en est de même pour le droit dérivé de la presse. Il existe un régime dérivé pour l'audiovisuel et aussi un régime pour les services de communication au public en ligne.

La protection des données à caractères personnel

Pareillement, la protection des données à caractère personnel s'appliquent à tous les supports, surtout sur un média aussi indiscret qu'Internet puisque dès qu'une information est diffusée sur le réseau, elle est visible immédiatement de tous les points du globe.

Un droit du double virtuel du monde réel

Il a souvent été dit - non sans quelque raison, bien qu'il faille nuancer le propos - que l'Internet constituait le double virtuel du monde réel... Cette image a son intérêt en ce sens qu'elle suggère que tout phénomène du monde réel va se retrouver sous forme plus ou moins virtuelle sur Internet. Dès lors, toute activité du monde réel ayant son régime juridique, il ne sera pas étonnant de retrouver ces régimes devant s'appliquer à l'Internet. D'où l'impression, lorsqu'on met le doigt dans le droit de l'Internet de ne plus pouvoir en sortir : d'autres règles semblent sans cesse surgir pour s'appliquer. Ainsi en est-il du droit commercial. Le commerce électronique sur Internet cumule les règles éventuellement applicables à ce média, et toutes les règles de base du commerce, sans parler de celles de la vente par correspondance et du droit de la consommation ou du crédit, pour n'en citer que quelques-unes.

D'épineux problèmes de droit international privé

Compte tenu de son aspect planétaire, l'Internet est un phénomène transnational. Des règles de pays différents vont ainsi avoir vocation à s'appliquer. Mais le phénomène est connu depuis que les hommes se sont dotés de règles de droit et qu'ils voyagent. Le droit international privé est la matière qui se préoccupe depuis bien longtemps de situations aussi courantes et acrobatiques que le mariage d'une Japonaise avec un Suédois à bord d'un paquebot britannique dont le capitaine est français, le tout en rade de Montevideo, pour être capable dire si le mariage doit être soumis au droit japonais, suédois, britannique, français ou autre... En d'autres termes, le droit n'est pas démuni face à de tels phénomènes. L'application en est certes complexe mais n'est pas insoluble.

|cc| Didier Frochot — décembre 2005.

Didier FROCHOT