La confidentialité de l'information face au droit

La protection des personnes physiques

C’est l’un des premiers fondements de la confidentialité.

Le respect de la vie privée

L’article 9 alinéa 1er du code civil dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Le second alinéa précise que les juges peuvent ordonner toutes mesures « propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée », au besoin en référé (procédure d’urgence).

Sur cette base, la jurisprudence s’est efforcée de définir les contours de la vie privée et de la protéger contre la publication soit d’informations indiscrètes, soit d’images (photo ou vidéo) portant atteinte à celle-ci (c’est l’un des aspects du droit à l’image des personnes physiques). Par exemple, la maladie, le handicap, la maternité, l’exercice d’une religion, la vie familiale et sentimentale, sont autant de circonstances relevant de la vie privée.

L’article 226-1 du code pénal protège les propos tenus à titre privé et l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé en érigeant leur captation, transmission et publication en un délit passible d’un an de prison et de 45 000 € d’amende.

La protection des données à caractère personnel

Recoupant bien souvent la vie privée et complétant sa protection : la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée en 2004. À noter que les activités journalistiques sont dispensés du respect d’une partie des prescriptions de la loi pour faciliter le « droit à l’information » (article 67 2° de la loi).

Les données « sensibles »

L’article 8 de la loi interdit tout « traitement » de données à caractère personnel (notamment la publication de celles-ci) qui ferait apparaître « directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ». Sauf accord de l’intéressé ou si l’information est rendue publique par lui-même.

Le droit à l’oubli

L’article 6 5° de la même loi prévoit que des données personnelles ne peuvent être conservées que pendant une durée justement proportionnée à la finalité de leur traitement : il est donc impossible de conserver indéfiniment de telles données, par exemple dans un fichier de clients ou d’adhérents. La loi a entendu garantir un droit à l’oubli très général, protégeant par exemple quelqu’un qui veut faire oublier un passé tumultueux.

Le droit de rectification et de suppression

L’article 40 de la loi prévoit qu’une personne peut demander la rectification d’informations erronées la concernant, ou encore leur suppression.

Le droit d’opposition

L’article 38 prévoit aussi le droit de s’opposer pour des raisons légitimes à la collecte de données et au traitement de données sur soi-même.

Comment agir ?

Il convient d’agir auprès des organismes qui ont effectué les traitements indésirables. À défaut d’obtempérer, il est possible de saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Des sanctions sévères

Toute infraction la loi Informatique, fichiers et libertés est passible de 5 ans de prison et de 300 000 € d’amende (articles 226-16 à 226-24 du code pénal).

Le secret professionnel

Celui-ci a été forgé pour garantir la confidentialité concernant les clients ou usagers de certaines professions. Il en est ainsi :

  • Des avocats : loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, article 66-5 ) ;
  • Des notaires : loi du 25 ventôse an XI modifiée par la loi 73-546 du 25 juin 1973, article 23 et règlement du Conseil supérieur du notariat, article 7).

Les professions médicales et sociales sont aussi tenues au secret :

Les forces de police elles aussi possèdent leurs propres règles :

  • Police nationale : article 11 du code de déontologie de la police nationale ;
  • Police municipale : article 14 du code de déontologie des agents de police municipale.

Mais d’une manière générale, même si aucun secret n’est particulièrement sanctionné dans une profession, toute « information à caractère secret » est protégée par le délit de divulgation de secret prévu à l’article 226-13 du code pénal et passible d’un an de prison et de 15 000 € d’amende .

La protection des secrets des affaires

L’autre volet de la confidentialité concerne les activités des affaires. La protection des inventions peut bien sûr être assurée par des brevets. Mais ceux-ci sont rendus publics, révélant en général une grande partie d’un procédé industriel qui ne peut cependant être mis en œuvre qu’avec une licence d’exploitation octroyée par le dépositaire du brevet. L’inconvénient du brevet est qu’il protège la nouveauté d’un procédé : la protection ne dure par conséquent que 20 ans.

Le secret de fabrique

Le vrai secret réside dans une sorte de rite initiatique : un secret de fabrique – ce peut être un tour de main, une composition de produits, ou une liste d’ingrédients particulière – n’est enseigné qu’à un petit nombre de collaborateurs de l’entreprise, lesquels sont tenus au secret. C’est seulement s’ils enfreignent ce secret que le droit intervient : l’article L.1227-1 du code du travail, repris dans l’article L.621-1 du code de la propriété intellectuelle, prévoit une peine d’un an de prison et de 30 000 € d’amende et le cas échéant la perte des droits civiques et de famille, prévue à l’article 131-26 du code pénal, pour 5 ans maximum.

L’intérêt du secret de fabrique est que, bien gardé, il peut durer indéfiniment. Il en est ainsi par exemple de la formule d’une boisson plus que centenaire conçue à l’origine par un pharmacien d’Atlanta, loin de se douter à l’époque que sa trouvaille allait devenir un des symboles culturels des États-Unis. Toujours est-il que la formule du célébrissime breuvage dort dans un coffre à Atlanta et que seuls quelques initiés y ont accès. Même système pour les parfums Guerlain et tant d’autres, et pour beaucoup de boissons magiques telles que la Chartreuse et autre Bénédictine…

La protection contractuelle du savoir-faire

La protection du savoir-faire (en anglais know-how) a intéressé le monde des affaires dès le boom de l’après-guerre. C’est principalement aux termes de clauses dans des contrats, souvent appelés « avant-contrats » que des entreprises qui se rapprochent pour faire des affaires concluent, dès avant des accords principaux de collaboration ou de partenariat, des accords de confidentialité, afin de pouvoir plus librement échanger, tout en se garantissant mutuellement une protection des méthodes de travail, procédures et expertises.

Ce même système est encore plus stratégique dans le cadre des franchises : des franchiseurs transmettent à leurs franchisés un savoir-faire, parfois très concret (franchises de coiffure, de viennoiserie, etc.), parfois plus technique. Les contrats de franchise incluent donc des clauses de réservation de savoir-faire, et non transmission et de secret à l’égard de ceux-ci largement étendus dans le temps.

Il en est de même dans tous les contrats de transfert de technologie : les partenaires entendent limiter le bénéfice de ce transfert à un seul bénéficiaire, lequel y a autant intérêt que le transmetteur.

Un règlement communautaire

Le règlement communautaire (CE) n°240/96 de la Commission du 31 janvier 1996 a harmonisé et simplifié les règles applicables aux licences de brevet et aux licences de savoir-faire pour encadrer et encourager la diffusion des connaissances techniques dans la Communauté et promouvoir la fabrication de produits techniquement meilleurs.
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31996R0240:FR:NOT

Le secret des sources journalistiques

La récente loi n°2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes a renforcé le dispositif permettant à un journaliste d’investiguer avec plus de liberté. Ce texte a introduit un nouvel article 2 dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, consacrant le principe du secret des sources journalistiques, définissant la qualité de journaliste et définissant les contours et limites de ce secret.

Elle favorise également une meilleure garantie du secret des sources en prévoyant que les perquisitions au domicile des journalistes et dans les entreprises de presse ne peuvent être ordonnées que par un magistrat (article 562 du code de procédure pénale). Diverses autres dispositions en matière de procédure pénale découlent de cette loi.

Didier Frochot — décembre 2011
 

 

Didier FROCHOT