Responsabilité éditoriale sur internet : défaut de mentions obligatoires condamné

Les trois régimes de responsabilité éditoriale en France

Les sites internet sont des médias à part entière, particulièrement au regard de la loi française. Il existe ainsi un régime de responsabilité éditoriale spécifique, inspiré de celui de la presse et de l'audiovisuel, et ayant acquis son régime autonome à l'issue de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 (notamment les articles 6 et 7).

Un responsable politique vient de découvrir à ses dépends que ce régime existe et que, tout comme il existe une obligation d'identifier les responsables d'une publication de presse (le fameux "ours" : encadré qui liste les responsables et les financeurs de la publication) ou d'un média audiovisuel (obligation de s'identifier régulièrement pour une radio, logo des chaînes pour la télé), il existe sur tout site internet l'obligation de rendre publiques les données d'identification de base de l'éditeur du site, du directeur de la publication de celui-ci et de son hébergeur, que nous appelons souvent "cyber-ours" (article 6-III LCEN).
Le directeur de la publication est ce personnage essentiel de la responsabilité éditoriale quel que soit le support de la publication (presse papier – loi du 29 juillet 1881 – ; audiovisuel et internet – loi du 29 juillet 1982, articles 93-2 et 93-3). C'est ce personnage qui répond pénalement de tous les délits d'information commis dans la publication. Ces "mentions obligatoires" sont requises sur tout site internet, hormis les cas de sites personnels anonymes – article 6-III, 2 LCEN).

Une réelle condamnation pour défaut de mention du directeur de la publication

Le TGI de Paris a ainsi condamné, le 10 juillet 2019, le responsable d'une formation politique qui, sur un site qui portait son nom, n'avait pas indique formellement le nom du directeur de la publication de ce site dans les mentions obligatoires. Après avoir régularisé ce manquement, ayant été élu à l'assemblée nationale, et bénéficiant donc de l'immunité parlementaire, il n'avait pas pris soin de désigner et de mentionner sur le site le nom d'un co-directeur de la publication, désignation obligatoire dès lors que le directeur de la publication acquiert l'immunité parlementaire (article 93-2 al.2 loi de 1982).

Il est assez inquiétant de voir un représentant de la Nation, ayant vocation à voter les lois, être aussi peu informé des obligations légales inhérentes à ses fonctions de représentation publique alors que – paraît-il – "Nul n'est censé ignorer la loi"...

Une absence de mention préjudiciable et condamnable

Il est intéressant de noter que cette condamnation n'intervient pas dans l'abstrait, pour la beauté du respect du droit, mais à l'issue d'une action en diffamation intentée contre le site en question. Le plaignant a fait valoir que le défaut de mention du nom du directeur de la publication et de ses coordonnées l'avait empêché d'identifier le réel responsable et de l'assigner au civil. Le plaignant a donc demandé et obtenu réparation du préjudice subi du fait de ce défaut de mention obligatoire. Ceci rappelle que le caractère obligatoire des mentions en question a une réelle fonction juridique.

En savoir plus

Lire le jugement du TGI de Paris du 10 juillet 2019 sur Legalis.net.

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Didier FROCHOT