Règlements intérieurs de médiathèques : entre précision juridique et lisibilité

Ayant souvent à former des médiathécaires et/ou personnels d’EPN (Espaces publics numériques, également appelés PAPI — Points d’accès publics à Internet) sur les aspects juridiques de leur métier, nous évoquons très souvent ce document indispensable et un peu mythique qu'est le règlement intérieur de l’établissement.
La difficulté qui ressort le plus souvent est celle de la lisibilité et plus largement de l’acceptation de ce document par les usagers de ces espaces à caractère culturel.

Le style juridico-administratif ne sied peut-être point à la chaleur humaine

Le plus souvent, les règlements intérieurs étant rédigés dans un style administratif et juridique qui ne laisse que peu de place pour l’effusion lyrique, leur fréquentation par les lecteurs ou les internautes se révèle contre performante face à la chaleur de la relation humaine que les personnels s’attachent à apporter dans leurs contacts.
De sorte que de tels documents sont fréquemment mal vécus par les usagers qui vont jusqu’à voir une sorte de duplicité dans le discours : "d’un côté tu parais sympa mais de l’autre, tu sanctionnes comme un agent de police municipale", pour rester dans un vocabulaire purement juridique…
Les choses prennent un tour vécu comme encore plus menaçant lorsque ledit règlement est affiché partout dans les locaux.

La solution de documents de communication

Face à cette difficulté — dont il serait trop long ici d’analyser les causes psychologiques profondes — les responsables des espaces culturels ont imaginé une parade : ils rédigent un règlement intérieur sympa, qui ne va surtout pas évoquer les sanctions aux règles édictées ni les pénalités de retard à payer, et dans lequel on se borne à rappeler gentiment les règles de comportement dans les lieux ainsi que celles du prêt ou de l’usage des matériels, spécialement pour les EPN.

De sorte que l’objectif de rendre le discours juridico-administratif lisible et acceptable pour le grand public est atteint… Mais au détriment de la précision juridique : un tel document n’est d’aucun effet juridique et si d’aventure il faut demander à un usager de réparer les dégâts sur un document emprunté ou de remplacer à ses frais un document perdu ou trop fortement dégradé, aucune règle contraignante n’aura été prévue pour appliquer ces sanctions, puisque aucun texte ne les prévoit.
Ici, il importe de rappeler rapidement la portée juridique d’un règlement intérieur

Le règlement intérieur : un acte réglementaire à part entière

Rappelons en effet, qu’un règlement intérieur d’espace public d’une collectivité locale constitue en quelque sorte l’arsenal des règles et des sanctions applicables dans cet espace. À ce titre il est un sorte de loi locale, qui édicte des règles de comportement et prévoit des sanctions administratives, exactement comme lorsqu’un maire prend un arrêté pour interdire le stationnement à tel endroit de la ville et l’assortit de sanctions pénales nommées contraventions. C’est donc un acte réglementaire qui pour prendre sa pleine valeur doit être publié sous forme d’arrêté du maire.

Ajoutons qu’il est le document qui structure l’organisation de l’espace accueillent du public et surtout permet de baliser et de limiter dans une large mesure les responsabilités de la collectivité, mais surtout celle des personnels de l’espace culturel ainsi réglementé.

Toutes les velléités de gentil organisateur désireux de bien communiquer avec son public n’y feront rien et le fait de vouloir gommer cet aspect des choses ne fera que rendre totalement inopérant le règlement intérieur.

Le problème — nous ne nions pas que c’en soit un — reste donc entier : comment faire passer la pilule de ce règlement intérieur aux contours si précis — on peut du moins le souhaiter — mais si rugueux aux yeux des lecteurs ?

Une solution efficace possible

Récemment confronté à cette question lorsqu’une journée de formation entièrement consacrée aux règlements intérieurs, nous avons proposé une solution qui nous semble concilier les deux impératifs rappelés ci-dessus :

  • Disposer d’un règlement intérieur qui protège les personnels et la collectivité et rappelle les droits et les devoirs de l’usager ;
  • %ais qui soit agréable à lire.

Il s’agit tout bonnement de procéder à la rédaction de deux documents :

  • Le règlement intérieur lui-même : en tant qu’acte administratif, il est rendu public via le recueil des actes administratifs de la collectivité locale et consultable par toute personne, en principe, sur le site Internet de la collectivité ;
  • Un document de communication qu’on pourra nommer Règlement intérieur, Charte s’il est signé par l’usager, ou tout simplement "Bienvenue à la médiathèque de…", dans un style très communicant, donc.

Ce dernier document présentera d’une manière agréable à lire les règles de fonctionnement de la médiathèque ou de l’EPN : mettre en av sur les droits de l’usager, rappeler ses devoirs et évoquer d’un mot les sanctions possibles. Toute cette présentation allégée se bornera à renvoyer au véritable règlement intérieur, notamment aux articles de celui-ci, toutes les fois où une règle est présentée — et ce renvoi est absolument indispensable pour son efficacité.

L’art de la communication

La rédaction d’un tel document relève, à partir de là, de la bonne communication, exactement comme les fiches pratiques consultable à la rubrique "Vos droits" du site Service-public.fr, bien connu.
De sorte que les règles du règlement seront rappelées, sans perdre de la puissance de l’acte réglementaire, tout en étant expliquées en termes simples et non vécus comme inexorables.

Le respect du bien commun

Il est aussi important que ce document mette en situation quelques principes de respect du bien commun.
Par exemple, au lieu d’annoncer que le lecteur se verra appliquer la taxe de x euros en cas de retard du prêt, insister sur le fait que ne pas rendre ses ouvrages à temps immobilise sans raison ces documents qui sont pendant ce temps exclus du prêt pour les autres lecteurs. Autrement dit appeler au sens civique et du bien commun des usagers. Ce sera mieux vécu.

Il y aurait de nombreux aspects complémentaires à développer sur ce sujet, qui ne peuvent tenir dans ces quelques lignes. Nous y reviendrons sans doute.

En savoir plus

Voir notre actualité du 22 août 2008 sur une décision du Tribunal administratif de Pau ayant reconnu la validité d’un règlement intérieur de médiathèque en tant qu’acte administratif, justifiant la décision d’exclusion d’un usager récalcitrant par le directeur de l’établissement.

Lire notre article : Internet en accès public : quelles responsabilités ?

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Didier FROCHOT