Messagerie électronique : les vertus juridiques de la copie cachée

La pratique de l'envoi d'un courriel avec des destinataires en copie cachée est souvent associée à de la défiance et à un manque de franchise de l'expéditeur qui adresse un message à une personne sans lui faire savoir qu'une autre est aussi destinataire. Et de fait, lorsque cette pratique permet par exemple d'adresser un mail de mécontentement à un collègue avec copie cachée à son chef, cela équivaut bien sûr à parler dans son dos, c'est-à-dire à "cafter" comme on dit sur les cours de récréation…

Mais la copie cachée possède des vertus tout aussi cachées, et non seulement elle est vertueuse, mais elle est parfois même légalement obligatoire.

Il en est ainsi lorsqu'on adresse un courriel à une série de correspondants qui ne se connaissent pas et n'ont pas forcément vocation à travailler ou communiquer ensemble.

Le principe de consentement

L'adresse de courriel d'une personne, même professionnelle, constitue une "donnée à caractère personnel" au sens de la loi Informatique, fichiers et libertés. En conséquence, c'est une donnée qu'on ne peut communiquer qu'avec l'accord de l'intéressé, aux termes de l'article de 7 de la loi (ou l'article 6-1-a du Règlement général sur la protection des données, remplaçant bientôt la loi). Il est donc impossible de communiquer en clair leur adresse aux autres destinataires. Et cela vaut pour tous les destinataires.

Vive la copie cachée !

La seule manière de satisfaire à cette obligation, c'est de s'envoyer le courriel à soi-même et de mettre tous les destinataires en copie cachée.

Une annulation de procédure d'appel d'offre pour défaut de copie cachée

Nous avons été témoin voici quelques années d'un fait qui fera réfléchir ceux qui méconnaissent sciemment le droit. Le problème est que le droit nous rattrape et dans ce cas, c'est lui le plus fort…

Dans un prestigieux organisme public, une secrétaire non informée par ses chefs a envoyé l'annonce de la publication d'un appel d'offres de marché public à tous les candidats référencés. Ignorante des contraintes, elle adressa le courriel à tous ses correspondants en destinataires.
Bien sûr ce qui devait arriver arriva : un avocat parmi les candidats répondit à tous en se réjouissant de connaître ainsi l'identité de l'ensemble de ses concurrents, ce qui bien sûr, rappelait-il, constituait un vice de forme dans la procédure très formalisée d'un marché public.

L'organisme a donc du prendre sa plus belle plume administrative et notifier à chacun des quelque 200 candidats, mais cette fois par lettre recommandée, l'annulation de la procédure et l'invitation à surveiller le prochain lancement d'un autre appel à candidature un peu mieux tenu juridiquement.

Entre temps, les chefs avaient expliqué à la secrétaire comment procéder… mais un peu tard.

On le voit, un tel oubli des plus élémentaires conditions de confidentialité, via la copie cachée, peut coûter assez cher.

En savoir plus

Voir l'article 7 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée sur Légifrance :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460#LEGIARTI000006528071
Voir aussi notre Fiche synthétique sur la protection des Données à caractère personnel
 

Didier FROCHOT