Le lien hypertexte reconnu par la loi française

L'épineuse question des liens hypertextes

Quelques rappels

Dès l'irruption d'internet, et surtout du web en Europe et donc en France, les juristes se sont jetés sur les nouvelles réalités que présentaient le phénomène Internet, comme par exemple les fameux liens hypertextes. Nombreux sont ceux qui ont élaboré des constructions doctrinales fantasmatiques, qui heureusement n'ont pas résisté au principe de réalité et au bon sens. Il est cependant resté dans la mémoire de certains professionnels non-juristes l'idée reçue – par définition fausse – selon laquelle pour poser un lien hypertexte vers un site tiers, il faudrait l'accord de l'éditeur de ce site.
Nous avons fait partie des quelques pionniers à nier tout sérieux à cette théorie, tout autant qu'à une recherche du "statut juridique" du lien hypertexte (voir notre article sur le sujet daté du 3 décembre 2005).

Une pratique consensuelle

Mais on en était resté là, sans attendre plus avant la sanction d'un texte de loi ni même d'une jurisprudence soigneusement forgée et confirmée, tant la solution était de bon sens : toute pose de lien hypertexte est libre par principe, à ceci près que – comme nous l'avons démontré – ce n'est pas l'acte du lien qui pose problème mais éventuellement ses modalités de mise en place (voir notre article précité) qui sont susceptibles d'engager la responsabilité du poseur de lien.

Au détour d'une loi…

La récente loi sur les droits voisins des éditeurs de presse (loi du 24 juillet 2019 – notre actualité du 17 septembre) porte une disposition qui, au détour d'une phrase, consacre la liberté de la pose d'un "hyperlien" (ou lien hypertexte).

Au titre des exceptions au droit des éditeurs de presse, le nouvel article L.211-3-1 dispose :

"Les bénéficiaires des droits ouverts à l'article L. 218-2 ne peuvent interdire :
1° Les actes d'hyperlien ; (…)"

En d'autres termes, malgré l'existence d'un droit à voir protégé les articles de presse au bénéfice de l'éditeur et du journaliste auteur, la loi reconnaît que l'hyperlien est un acte libre.

Ainsi la pratique des hyperliens reçoit-elle l'onction législative. Même si on en n'avait pas besoin, c'est de nature à rassurer les plus sceptiques des non-juristes.

Didier FROCHOT