E-réputation : le secret de l'instruction existe toujours en France

Très souvent dans nos missions de nettoyage d'e-réputation, pour demander le retrait de certaines informations préjudiciables pour un client, nous invoquons à la fois la présomption d'innocence et la violation du secret de l'instruction.
Et pourtant, il est fréquent que ces deux principes soient allégrement bafoués au profit d'un prétendu droit à 'l'information du public — qui confine bien souvent à la recherche du scoop à tout prix de la part des médias, et à un certain voyeurisme dans le public — au point qu'on a même pu se demander si ces principes existent encore réellement.

Des principes protecteurs

La présomption d'innocence et le secret de l'instruction ont été institués pour préserver conjointement l'image de personnes qui ne sont que soupçonnées de méfaits, jusqu'à ce qu'une décision judiciaire soit définitivement prise contre elles, et la sérénité de l'instruction qui doit se dérouler hors de toute pression, médiatique ou de tiers. Chacun a en tête toutes ces affaires médiatisées dans lesquelles certains magistrats, oublieux de ces principes, n'hésitent pas à franchir la ligne rouge en se confiant à des journalistes, en lâchant quelques commentaires ou en laissant "fuiter", selon ce néologisme médiatique, des informations dans la presse.

Un salutaire rappel à la loi

Il se trouve qu'une décision de justice vient de rappeler, s'il en était besoin, que, même si une certaine licence — pour ne pas dire un certain laisser aller — pouvait être tolérée, le droit pouvait à tout moment reprendre la place qui lui revient.

Les faits

Un grande chaîne de télévision d'information en continu vient d'être en effet condamnée le 27 mai dernier par le tribunal correctionnel d'Annecy, donc au pénal, pour "recel de violation du secret de l'instruction".
Recel : la chaîne a été destinataire d'éléments relevant du secret de l'instruction, en violation de ce principe, et elle les a diffusé publiquement. Les faits concernés sont ceux de la tuerie de Chevaline en Haute Savoie en septembre 2012.
Le directeur de la publication de la chaîne et son journalistes ont étés chacun condamnés à 10 000 € d'amende.

Les textes

La violation du secret de l'instruction découle de l'obligation de confidentialité des personnels de justice (magistrats, greffiers…) et de l'article 11 al.2 du code procédure pénale : "Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal".
Mais il est aussi des cas où la levée d'une partie du secret de l'instruction permet de mettre fin aux rumeurs les plus inconsidérées. Dans de tels cas, le Procureur de la République "peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause" (même article al.3).

L'article 226-13 du code pénal prévoit des sanctions pouvant aller jusqu'à un an de prison  et/ou 15 000 € d'amende.

Rappelons que la présomption d'innocence est, quant à elle garantie par la plupart des déclarations des droits de l'homme :

  • ONU : Article 11
  • Conseil de l'Europe : Article 6
  • Union européenne : Article 48
  • Elle est aussi présente dans notre arsenal constitutionnel et législatif français, de longue date :
    • Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, article 9
    • Conforté par l'article 9-1 du code civil

Didier FROCHOT