Droit applicable sur internet : un rappel de la CJUE

La question de la loi applicable sur internet est depuis l'origine une vraie question, au point que les médias ont dans un premier temps répandu l'idée naïve d'un "vide juridique" puisque le Web est transnational et n'est donc rattaché à aucun pays. Les Américains ne l'entendaient d'ailleurs pas du tout de cette oreille, considérant que lorsqu'une entité telle que Google ou Amazon est de droit américain, la loi américaine s'applique, partout où ils sont.

Une jurisprudence européenne désormais courante

Plusieurs arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne ont mis un coup d'arrêt à cette illusion, dont le plus célèbre reste l'arrêt du 13 mais 2014, rendu en défaveur de Google Spain sur le droit au déréférencement (notre actualité du 16 mai 2014, début d'une longue série sur la question) et appliquant la logique du droit international privé selon laquelle, pour résumer, dès l'instant qu'il existe un ou plusieurs éléments de rattachement d'une situation à la loi d'un pays (victime de cette nationalité, public visé dans ce pays, établissement stable du commerçant dans le pays…) la loi de cet État s'applique.

Un litige avec Amazon en Autriche

Dans un arrêt du 28 juillet dernier, la CJUE vient de rappeler à nouveau cette évidence. Le litige oppose un ressortissant autrichien au géant du commerce mondial Amazon. La justice autrichienne a donc posé la question préjudicielle à la CJUE pour recueillir son avis, notamment sur l'interprétation de la directive sur la protection des données à caractère personnel. Et la Cour rappelle que "un traitement de données à caractère personnel effectué par une entreprise de commerce électronique est régi par le droit de l’État membre vers lequel cette entreprise dirige ses activités s’il s’avère que cette entreprise procède au traitement des données en question dans le cadre des activités d’un établissement situé dans cet État membre. Il appartient à la juridiction nationale d’apprécier si tel est le cas." Et la Cour rappelle que par "établissement", il faut comprendre toute activité réelle et effective, même minime, exercée dans le cadre d’une installation stable.

Un rappel salutaire

Cette décision nous paraît intéressante dans un moment où il semble encore bien difficile de faire comprendre, spécialement aux géants américains du net, Google, Amazon, Facebook, Apple (les fameux GAFA), que la loi du pays dans lequel ils exercent s'applique et qu'il faille encore des décisions de justice pour les contraindre à appliquer cette règle.

Un autre aspect juridique de la décision

Cet arrêt de la CJUE portait sur une autre question d'application du droit : la détermination, abusive ou non, de la loi applicable dans des Conditions générales de vente, autre pratique reprochée à Amazon, mais nous reviendrons sur le sujet prochainement.

En savoir plus

Voir l'arrêt de la CJUE en date du 28 juillet 2016 sur Eur-Lex :
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:62015CJ0191

Didier FROCHOT