Décisions de justice sur Internet : un anonymiseur fou chez Légifrance

On sait que, suite à un avis de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), la publication sur Internet des décisions de justice sont anonymisées, pour empêcher les recoupements intempestifs et pour satisfaire la protection de la vie privée et le droit à l'oubli garantis par la loi Informatique, fichiers et libertés.

Cette opération s'est réalisée peu à peu sur Légifrance 2, c'est-à-dire depuis que la jurisprudence est en ligne sur ce site (16 septembre 2002).

Stéphane Cottin, s'était amusé en son temps de la merveilleuse transparence d'une décision de la Cour de cassation évoquant un mystérieux témoin : " M. Jacques Y..., à l'époque des faits maire de Paris et aujourd'hui Président de la République "... (voir notre article du 16 novembre 2003 sur le sujet).

Mais Légifrance nous réserve d'autres surprises... Un anonymiseur fou semble opérer aveuglément : tout ce qui commence par un prénom, suivi d'un nom est forcément de la donnée à anonymiser.

C'est ainsi qu'il y a quelques semaines, nous avons fait travailler des stagiaires sur la recherche de "l'arrêt Monet", que nous avions encore vu apparaître sur Légifrance quelques jours plus tôt. Il s'agit d'une affaire sur la durée de protection du droit d'exploitation des auteurs, notamment au regard des années de guerre. La question s'étant posée pour une œuvre de Claude Monet, et aussi dans une autre espèce, pour le peintre Giovanni Boldini, deux arrêts furent rendus le même jour à la Cour de cassation (27 février 2007 - notre actualité du 14 mars 2007).

Or, il nous fut impossible de retrouver l'arrêt par le nom de l'artiste. Après quelques minutes de perplexité, ayant retrouvé l'arrêt par sa date et sa chambre, surprise : l'anonymiseur fou a frappé ! Alors que Claude Monet n'est en rien partie au procès, toute référence à l'illustre impressionniste a été radiée, ou plutôt masquée sous Claude X...

On se perd en conjectures... Est-ce un agent public manquant par trop de culture - allez, disons un stagiaire... - qui a ainsi œuvré ? Est-ce un automate zélé mais quelque peu myope qui sévit ? Le fait est qu'à ce rythme, tous les personnages du monde de l'art, voire de l'histoire mondiale risquent d'y passer, sans parler - au train où cela va - de l'aéroport Charles de Gaulle, de la tour Eiffel, des colonnes de Buren et pourquoi pas des rues portant des patronymes plus ou moins illustres ?...

Heureusement que Légifrance n'est pas un patronyme ! Sinon, il faudrait anonymiser le nom de domaine...

L'arrêt en question : www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do...

Didier FROCHOT