Bientôt des questions préjudicielles auprès de la CEDH

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, siégeant à Strasbourg) est l'organe juridictionnel auquel se soumettent les États membres du Conseil de l'Europe (groupant 47 membres, à ne pas confondre avec l'Union européenne) ayant signé la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (traité 005, signé à Rome le 4 novembre 1950). Elle permet de réguler l'application de cette Convention, notamment en tranchant les litiges qui opposent des justiciables à des États membres du Conseil de l'Europe.

Petit point d'histoire

Cette Convention est l'un des grands textes internationaux garantissant les droits de l'Homme. Et la CEDH est là pour en garantir et en harmoniser l'application.
À cette convention, s'ajoutent depuis 1950 des protocoles qui viennent apporter de nouvelles dispositions à la Convention d'origine.

Des questions préjudicielles possibles auprès de la Cour

Le protocole n°16, qui a été signé à Strasbourg le 2 octobre 2013, prévoit l'introduction d'une procédure de question préjudicielle auprès de la Cour. C'est ainsi que "les plus hautes juridictions" des États pourront "adresser à la Cour des demandes d’avis consultatifs sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles". En d'autres termes, en France, ce seront la Cour de cassation ou le Conseil d'État qui pourront saisir la CEDH avant de trancher sur un litige de droit interne. Cela permet d'éviter les allers-retours procéduraux longs et coûteux pour les justiciables : plutôt que de juger au niveau national dans un sens donné, de se trouver désavoué des mois plus tard par la CEDH et devoir par la suite rejuger dans le bon sens, il est plus simple de demander à la CEDH sa position à l'avance et de s'y conformer sans perdre de temps, ou au contraire, engager en toute connaissance de cause un bras de fer avec l'institution strasbourgeoise, afin de provoquer sciemment le débat et infléchir la jurisprudence de la Cour.

C'est un mécanisme qu'on connaît déjà devant la Cour de justice de l'Union européenne et nous rendons régulièrement compte de telles décisions lorsqu'elles concernent nos domaines d'activité, la plus célèbre décision de ce type ayant été l'arrêt Google Spain du 13 mai 2014, instituant indirectement le fameux droit au déréférencement des données personnelles sur les moteurs de recherche (voir notre première actualité sur ce volumineux sujet le 16 mai 2014).

Entrée en vigueur du protocole le 1er août

L'article 8 du protocole prévoit qu'il entre en vigueur "le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois" à partir de la date à laquelle 10 États membres "auront exprimé leur consentement".
C'est chose faite depuis peu puisque la France est le 10ème État à ratifier ce protocole. Le Parlement a autorisé cette ratification par le Gouvernement par la loi n°2018-237 du 3 avril 2018 autorisant la ratification du protocole n°16 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
On doit donc calculer une période de trois mois calendaires pleins suivant le mois au cours duquel le protocole aura été effectivement ratifié. Compte tenu des délais de procédure pour déposer les instruments de ratification auprès du Secrétariat du Conseil de l'Europe (en cours ce mois-ci), le protocole entrera en vigueur le 1er août 2018.

En savoir plus

Voir la Convention 005 sur le site du Conseil de l'Europe

Voir le protocole n°16 :

Voir la loi n+2018-237 du 3 avril :
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2018/4/3/2018-237/jo/texte

Didier FROCHOT