Défaut de déclaration d'un traitement à la Cnil : procédure de licenciement illicite

La Chambre sociale de la Cour de cassation vient de rendre, le 8 octobre dernier, un arrêt tout à fait emblématique qui devrait faire réfléchir plus d’un chef d’entreprise quant au respect de la loi Informatique, fichiers et libertés.

Les faits

Une entreprise avait mis en place un dispositif de contrôle individuel de l’importance des flux des messageries électroniques de son personnel.
Ayant constaté via ce système qu’une salariée faisait une utilisation plus qu’excessive de sa messagerie à titre personnel — plus de 1200 messages personnels constatés en deux mois —, l’entreprise licencia cette dernière pour cause réelle et sérieuse.
Ce système de surveillance constituant un "traitement automatisé de données à caractère personnel", il devait être déclaré à la Cnil, préalablement à toute mise en œuvre du traitement, conformément à la loi. Or l’entreprise ne déclarera le traitement à la Commission qu’après le licenciement.

Illicéité de la preuve obtenue par un traitement de données personnelles non-déclaré

La cour de cassation rappelle donc que "les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la CNIL constituent un moyen de preuve illicite".
Sans remettre la réalité des faits en cause, la Cour retient donc que le moyen de preuve utilisé contre l’employée étant illicite, le licenciement ne peut être considéré comme ayant une cause réelle et sérieuse.

Une loi de protection des personnes

La loi Informatique, fichiers et libertés est une loi de protection du citoyen et comme telle, elle doit être toujours interprétée au bénéfice de la personne qu’elle est censée protéger. C'est un enjeu de protection des libertés de chacun.

Un formalismet protecteur des libertés

Tout comme en matière pénale où des défauts matériels sur le recueil des preuves peuvent entraîner l’annulation d'une procédure, le non-respect de la loi Informatique, fichiers et libertés peut entraîner la nullité d’une procédure de licenciement qui autrement eut été tout à fait fondée.

Une nouvelle incitation au respect des lois

Il est malheureusement trop courant en France d’ignorer les contraintes légales en général et celles concernant la protection des données personnelles en particulier.
Cette décision vient rappeler que les lois doivent tout simplement être respectées et l’employeur ne peut s’en prendre qu’à lui-même s’il se voit, après cet arrêt de cassation partielle, condamné en second appel à verser de substantiels dommages-intérêts à son ancienne salariée pour défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement...

En savoir plus

L’arrêt de la Cour de cassation sur Légifrance :
www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?&idTexte=JURITEXT000029565250

Voir la succincte analyse jurisprudentielle réalisée sur l'excellent site Légalis.net autour de la présentation de cette décision :
www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=4317

Didier FROCHOT