La présidente de la Cnil appelle de ses vœux un droit au déréférencement mondial

Dans une tribune publiée dans les colonnes du Monde du 29 décembre 2016 et repris sur le site de la Cnil le 12 janvier dernier, Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Cnil, mais également présidente en exercice du G29, fait un point sur le droit au déréférencement, répond aux polémiques que d'aucuns ont cru opportunes d'élever à l'encontre de ce principe mis au jour par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 13 mai 2014 (notre actualité du 16 mai 2014).

Une synthèse claire de la situation

Le texte n'apporte rien que les habitués du sujet ne connaissent déjà, mais il présente le mérite de synthétiser, en une tribune parue dans un journal de référence, les positions de la Cnil, du G29 et de sa présidente, en des termes simples et non juridiques.

Le droit au déréférencement replacé dans son contexte légal

Un des points saillants de cet intéressant article de bout en bout réside à nos yeux dans le paragraphe suivant :
"Précisons d’abord que le droit au déréférencement n’est pas un droit nouveau. Il s’agit tout simplement de l’application du droit commun de la protection des données à un moteur de recherche. Tout Français peut, aujourd’hui, s’opposer pour un motif légitime à ce que ses données soient traitées par une entreprise, une administration ou une association. Il peut désormais le faire sur un moteur de recherche. S’en étonner revient à s’étonner que nos concitoyens aient des droits sur leurs données."

Il resitue — ainsi que nous l'avions nous-même souligné en son temps — la prétendue invention du droit à l'oubli par la Cour de justice en mai 2014 dans son contexte des principes de la protection des données à caractère personnel avec notamment le droit d'opposition pour toute personne à ce que des données la concernant soient traitées, où que ce soit, et donc publiquement sur internet.

Pour tordre le cou aux thèses liberticides...

S'ensuivent des arguments répondant clairement à certains opposants qui voudraient faire croire que déréférencer le nom d'une personne associée à une ressource sur internet équivaudrait à faire disparaître cette ressource elle-même et par conséquent accréditer l'idée selon laquelle le déréférencement serait liberticide, ce qui est bien sûr faux, de mauvaise foi ou fantasmé, de la part de ceux qui agitent de telles allégations.

Le contentieux Google / Cnil

Vient ensuite une évocation purement descriptive du contentieux opposant fortement Google et la Cnil au sujet du périmètre du déréférencement consenti par le moteur, lorsque celui-ci se décide à l'accepter. On peut regretter que l'auteur ne rappelle pas l'évidence élémentaire, mais un peu trop juridique, selon laquelle le moteur de recherche Google constitue une seule et vaste base de données mondiale permettant son accès via des points d'accès nationaux, et donc que le traitement de données personnelles est unique sur la planète, en conséquence de quoi tout ressortissant européen peut s'y opposer légitimement et ce de manière planétaire, ce qu'a pourtant contesté Google dès l'arrêt de la CJUE en 2014 (notre actualité du 17 juin 2014).
La présidente formule la même idée sous une forme moins technique mais aussi explicite :
"Le droit au déréférencement n’est pas un droit « à ne pas voir » localement que Google traite vos données ; c’est un droit à ce que Google ne traite pas certaines de vos données."
Vient ensuite cette affirmation forte : "Retenir l’hypothèse inverse reviendrait à vider les droits des européens de leur substance et à considérer que la portée d’un droit fondamental est à géométrie variable, dépendant non de celui qui l’exerce mais de celui qui en regarde les résultats."

Vers une mondialisation du droit au déréférencement

L'article se conclut par le constat selon lequel "Des voix s’élèvent d’ailleurs dans différentes zones du globe pour revendiquer le bénéfice d’un même droit." Rappelons à ce sujet que des associations de citoyens américains ont à ce sujet lorgné avec envie sur notre droit européen plus protecteur que le leur et demandé la même application aux États-Unis (notre actualité du 16 juillet 2015).
La présidente finit par un appel "La question est maintenant de savoir s’il ne convient pas qu’émerge un standard mondial sur le sujet. L’Europe peut, ici comme ailleurs, porter une conception d’avenir."

La mondialisation de l'internet étant ce qu'elle est, nous serions tenté de répondre par l'affirmative, ce qui ne serait d'ailleurs pas la seule "lex universalis" qui prévaudrait sur internet (voir notamment la réglementation des noms de domaine).

En savoir plus

Lire l'article complet "Pour un droit au déréférencement mondial" sur le site de la Cnil  :
https://www.cnil.fr/fr/pour-un-droit-au-dereferencement-mondial

Tout savoir sur le Droit au déréférencement sur notre site.

Didier FROCHOT