Le droit à l’information

Nous avons évoqué à plusieurs reprises ici la Liberté d’expression, spécialement dans notre Dossier spécial E-réputation : Un droit fondamental : la liberté d'expression et ses limites.
Nous avons évoqué également la liberté de circulation des idées et des informations, notamment pour définir des limites à la protection par le droit d’auteur : Un droit méconnu : la liberté de circulation de l'information.
Mais jamais nous n’avons abordé frontalement, à partir de leurs divers fondements juridiques, le droit à l’information.
Et pourtant ce droit est sans cesse invoqué par la classe médiatique, le plus souvent comme un absolu, qui justifierait toute liberté, quand bien même cette liberté nuirait à des intérêts personnels ou individuels.

À la recherche d’un droit perdu ?

Si l’on se plonge dans la doctrine (les juristes faisant autorité en la matière) on a la surprise de lire des points de vue divergents.

Un droit en filigrane dans les diverses déclarations de droits de l’homme

Si l’on en croit le Professeur Emmanuel Derieux, il n’existerait pas, à proprement parler, de droit à l’information reconnu en France, ni par aucune déclaration ou convention internationale ratifiée par notre pays. Le droit à l’information découlerait donc d’autres libertés reconnues abondamment, celles de la liberté d’expression et de la liberté de communication de ses idées et opinions :

  • Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi », toujours en vigueur puisque expressément invoquée dans le préambule de notre actuelle constitution ;
  • 1er amendement de la Constitution des États-Unis, datant de 1791 ;
  • Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU signée à Paris le 10 décembre 1948, articles 18 et 19 ;
  • Confirmé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, administré par le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, entré en vigueur le 23 mars 1976 (article 19) ;
  • Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, du 4 novembre 1950, article 10.

Des traces de droit à l’information plus nette que d’autres

Mais si l’on se penche, avec André Bertrand, sur ce dernier article cité, l’article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme, on y découvre cependant une affirmation plus explicite d'un droit à l'information :

  • En effet, l’article 10.1 dispose :
    « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations ».
    Nous soulignons le point essentiel : il est bien question de communiquer des informations et non plus seulement des idées et des opinions ; nous sommes bien en présence, comme le constate André Bertrand, d’un vrai droit à l’information, au sens où on l’entend dans nos pays de liberté de la presse.

Compte tenu de la limitation géographique de cette Convention : les 47 pays membres du Conseil de l’Europe (à ne pas confondre avec l’Union Européenne), faut-il penser que le droit à l’information n’existe que dans ces pays, et donc pas aux États-Unis, au Canada et autre pays de culture occidentale de par le monde ? Certes non.

  • On retrouve une formulation similaire dans l’article 19.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, cette fois-ci de portée mondiale :
    « Toute personne a droit à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix »,
    qui n’est que la reformulation de l’article 19 de la déclaration de l’ONU :
    « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».

Rappelons cependant que toute liberté, comme tout droit, connaît ses limites, comme le rappellent l’article 11 de notre Déclaration de 1789, ainsi que l’article 10.2 de la Convention européenne.

En savoir plus

Emmanuel Derieux : Droit de la communication, - Paris : LGDJ, 3ème édition, 1999, p.26.

André Bertrand : Droit à l’image et à la vie privée, - Paris : Litec, 1999, p.50, n°102. Ouvrage hélas épuisé : on attend toujours une nouvelle édition de la part de l’auteur.

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 sur Légifrance :
www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789

1er amendement de la Constitution des États-Unis, datant de 1791 (traduction de la Documentation française) :
www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/election-presidentielle-americaine-2008/constitution...

Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU signée à Paris le 10 décembre 1948, articles 18 et 19  : www.un.org/fr/documents/udhr/#a18

Pacte international relatif aux droits civils et politiques :
www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm

Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe :
http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/005.htm

Didier FROCHOT