La prescription des délits d'information sur Internet

Le droit applicable

- Loi du 29 juillet 1881 art. 65 – Loi du 21 juin 2004, art. 6, V, renvoyant à la loi de 1881
- Des délits dans la presse à l’Internet

Quelques mots d’historique.

La loi de 1881

Cette loi a institué un certain nombre de délits dits de presse ou d'information, bien qu’ils puissent aussi être commis par toute autre expression publique, telles la diffamation ou les injures. Cette loi est régulièrement alimentée de nouveaux délits tels que le négationnisme et autre incitation à la haine raciale. Par exception au régime des délits en droit pénal, qui se prescrivent par 5 ans, les délits de presse, eux, sont très rapidement prescrits : trois mois à partir de la diffusion de l’information litigieuse. On peut en effet penser que la presse rejoint rapidement les oubliettes des corbeilles à papier ou autres services d’archives où le mal fait n’est plus aussi virulent.

La communication audiovisuelle

L’audiovisuel incita le législateur de 1982 (loi du 29 juillet 1982) à prévoir des dispositions un peu différentes. Compte tenu du côté éphémère de la radio et de la télévision, pour le seul droit de réponse, très lié aux délits de presse en pratique, le délai de prescription fut réduit à 8 jours à partir de la dernière diffusion de l’information litigieuse. Cette durée fut remontée à trois mois en 2000. Rappelons qu’à l’origine, la télématique en général fut placée en 1982 et 86 sous l’égide du droit de la communication audiovisuelle.

La communication au public par voie électronique

Mais l’Internet posa de nouvelles questions. Quand peut-on estimer qu’il y a eu diffusion de l’information permettant de compter le délai de trois mois ? La diffusion étant permanente, des juges ont estimé que le délai ne courait qu’à partir du retrait de l’information. Ce qui allongeait considérablement les délais de prescription. La loi de 2004, ou plutôt le Conseil constitutionnel, a tranché. Un amendement de dernière minute avait en effet prévu d’adopter la solution préconisée par les juges. Le conseil constitutionnel en a décidé autrement, sanctionnant cette partie de la loi. 

Le nouveau régime

Une responsabilité pénale limitée dans le temps…

Aujourd’hui les délits de presse et le droit de réponse dans le cadre de la communication au public par voie électronique se prescrivent donc par trois mois à compter de la mise en ligne de l’information litigieuse. L’art. 65 de la loi de 1881 reste le texte de base.

Quid de la responsabilité civile ?

On pourrait penser que si la responsabilité pénale est éteinte à bref délai, la responsabilité civile demeure. Il peut paraître en effet choquant de trouver toujours sur Internet, grâce à des moteurs de recherche, des informations toujours litigieuses et qui nuisent à des personnes physiques ou morales, a fortiori si les pages trouvées ne sont pas datées, ce qui est plus que courant. Nous connaissons ainsi des cas d’ancien lynchage médiatique injustifié qui perdurent via Internet. L’information causant préjudice, il serait logique que le vieux principe de la responsabilité civile s’applique : tout préjudice causé doit être réparé par son auteur (art. 1382 du code civil). Cependant, l’art. 65 al.1er de la loi de 1881 précise « L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ». Il semble donc que l’action civile soit également éteinte, ce qui paraît choquant, redisons-le, et exorbitant du droit commun.

Et la protection des données à caractères personnel

Peut-on dès lors agir sur le terrain des données à caractère personnel ? Les dispositions dont on pourrait se réclamer (droit de rectification, défaut de déclaration préalable) ne sont pas applicables à l’activité journalistique, expressément exclue des rigueurs de la loi dès 1978 et maintenue telle par la réforme du 6 août.

Ce qu’il faut retenir

Il semble bien que la liberté de la presse soit complète sur Internet. Passés le délai de trois mois, toute personne disposant d’un site peut en toute impunité nuire à qui il veut. Le métier de veilleur sur Internet devrait en trouver un regain d’activité, afin de permettre d’agir dans les trois mois de la diffusion… 

|cc| Didier Frochot — novembre 2004 — avril 2007

Didier FROCHOT