Délit de diffamation en ligne : toujours la question du délai de prescription

Un récent jugement du Tribunal de grande instance de Paris nous donne l'occasion de nous pencher une fois de plus sur la délicate question du délai de prescription des délits d'information — dont la diffamation et l'injure — sur internet.

Les faits en bref

Un site avait été créé pour dénoncer les actes de plagiat d'un chanteur, sous le nom de domaine "nomchanteurplagiat.com". Outre le nom de domaine, litigieux en lui-même, figuraient sur ce site des propos diffamatoires. Le chanteur ayant poursuivi l'éditeur de ce site en diffamation, les juges de référé, au TGI comme en appel, considérèrent que le délai était prescrit puisque le site ainsi que les propos litigieux avaient été créés plus de trois mois avant l'introduction des poursuites. Statuant au fond, le TGI de Paris vient de confirmer cette analyse par un jugement du 20 septembre dernier.

S'il était établi sans discussion que le nom de domaine diffamant et le site avaient été créés plus de trois mois avant l'assignation, le plaignant et son avocat soutenaient que l'article diffamatoire était, lui, postérieur et donc toujours dans le délai des trois mois. Comme les premiers juges, les magistrats du TGI de Paris relèvent que dans les éléments du constat d'huissier en ligne, le code source de la page fait apparaître une date de 2014, pour l'article objet de poursuites en 2015, donc largement hors délai.

Ce fait montre à quel point l'action en diffamation se niche dans des détails très pointus, qui permettent de déterminer avec précision sur la date du fait litigieux.

Des délais courts toujours problématiques sur internet

Au-delà de cette illustration très pointue du contentieux des délits d'information, cette jurisprudence nous permet de revenir sur le caractère éminemment discutable de la durée du délai de diffamation "en ligne". Nous avons déjà signalé les faits (notre actualité du 29 août 2008), lors des débats menant à la loi "pour la confiance dans l'économie numérique" (LCEN) du 21 juin 2004, un amendement fut ajouté dans la loi, décidant que le point de départ du délai de prescription serait, non pas la publication comme dans la presse papier, mais celle du retrait des propos litigieux du site, ce qui semblait de bon sens. Mais le Conseil constitutionnel sanctionna cette disposition au motif qu'elle introduisait une discrimination entre les trois régimes de médias : papier, audiovisuel et internet, décision pour le moins myope, nous le répétons. À plusieurs reprises, des tentatives pour allonger la durée de prescription des délits d'information sur internet ont vu le jour, sans aboutir. Nous renvoyons à notre actualité précitée pour plus de détails et d'arguments, ainsi qu'à celle qui fait un point un peu plus tard, le 9 avril 2013.

En savoir plus

Lire le jugement du TGI de Paris du 20 septembre 2017 sur Legalis.net :
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-17eme-ch-presse-civile-jugement-du-20-septembre-2017/
et la présentation qui y est faite :
https://www.legalis.net/actualite/diffamation-la-date-dans-le-code-du-site-prouve-la-prescription-de-laction/

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Didier FROCHOT