Droit à l’oubli sur Google : la Suisse aussi… et bientôt d’autres pays

La nouvelle est tombée assez récemment (notamment un article du Matin, quotidien de Lausanne, du 22 juillet : "Des centaines de Suisses exigent de Google le droit à l’oubli").

À première vue, on pourrait s’étonner que la Suisse, bien que n’étant pas membre de l’Union européenne, puisse être concernée par le flot des requêtes au nom du soi-disant "droit à l’oubli" édicté par la CJUE.

Le droit à l’effacement : un droit fondamental

En vérité, rien de très étonnant au vu de la décision de la CJUE du 13 mai dernier. Cet arrêt évoque en effet des droits fondamentaux, certes sur la base des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Mais précisément, s’il s’agit de droits fondamentaux reconnus à tout homme (on parle aussi de Droits de l’homme ou pire de "droits humains" dans la traduction paresseuse de "Human Rights"), c’est que ceux-ci sont aussi garantis par d’autres déclarations de droits de l’homme, plus internationales et auxquelles la Suisse est évidemment partie prenante. C’est le cas de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, club — rappelons-le — groupant 47 pays, différent de l’Union européenne, et dont la Suisse est membre depuis 1963.

Des lois de protection des données personnelles partout dans le monde

De même l’arrêt de la Cour de justice se fonde sur la Directive 95/46/CE sur la protection des données à caractère personnel. Or l’Union européenne n’est pas la seule zone du monde où les données personnelles soient protégées par des lois. C’est notamment le cas en Suisse, plutôt 26 fois qu’une puisque, dans l'honorable Confédération helvétique, il existe autant de lois de protection des données personnelles que de cantons, soit 26…

Dès lors, il n’est pas étonnant que les citoyens helvétiques soient aussi chatouilleux que d’autres sur leurs libertés fondamentales, et même plutôt plus que d’autres, vu leur histoire.
Il n’est donc pas étonnant que d’un seul coup, Google Suisse ait été saisi de quelque 1645 requêtes visant 7085 liens internet.

Du caractère obligatoire des règles de droit

Faut-il rappeler que le droit existe sans qu’on ait besoin d’un juge pour le faire appliquer ? Ce que Google n’avait semble-t-il pas compris ou pas voulu comprendre jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne tente de lui faire comprendre, avec tout le poids que pèse cette institution (28 pays, plus de 500 millions d’habitants, un des plus riches zones économiques du monde). "Tente de luifaire comprepndre" seulement, vu les libertés que Google a prises relativement aux termes non équivoques de l’arrêt.

Cette fois-ci Google Suisse a fait savoir qu’il était "en train d’organiser le traitement des requêtes", à grand renfort d’"experts connaisseurs du droit suisse".

Masquage local et demandes de justifications : les mêmes errements de Google

Comme en face de la décision pourtant très claire de la Cour de justice, les dirigeants de Google Suisse ont déjà annoncé que l’effacement demandé serait effectif sur google.ch mais pas sur goole.com… Nous avons déjà expliqué combien cette lecture du droit paraissait myope (notre actualité du 17 juin).

Pareillement, l’armada d’experts du droit suisse annoncé permet de penser que Google demandera à chaque requérant les raisons juridiques pour lesquelles il souhaite voir son nom déréférencé, alors qu’il s’agit d’un droit fondamental fondé sur la protection de la vie privée, sans autre jusitification nécessaire (notre actualité du 24 juin).

La portée ultra-européenne de la décision de la CJUE

À peine s’est-on accoutumés aux 4 points essentiels de la décision de la Cour en date du 13 mai dernier, visant au départ la société Google Spain, on découvre de nouvelles retombées "radioactives" de cette décision dont nous avons déjà signalé qu’on n’a pas fini d’en mesurer les conséquences.

La Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe

On pourrait par exemple citer cette Convention, dite "005" (son numéro d'ordre, donc un des tout premiers actes du Conseil de l'Europe), en date du 4 novembre 1950. À l’instar de la Charte des droits fondamentaux de l’UE — qui s’en est inspirée —, l’article 8 garantit à toute personne le "Droit au respect de la vie privée et familiale", ce qui fonde bien sûr tout autant le droit à l’effacement sur les moteurs de recherche, dès l’instant que les données présentent un caractère personnel.

On le voit, les moteurs de recherche n’ont pas fini de découvrir qu’il existe des lois de protection du citoyen dont il faut tenir compte dans beaucoup de pays.

En savoir plus

Voir l’article du Matin du 22 juillet : Des centaines de Suisses exigent de Google le droit à l’oubli :
www.lematin.ch/high-tech/Des-centaines-de-Suisses-exigent-de-Google-le-droit-a-l-oubli/story/15738013

Voir nos précédentes actualités sur le sujet, listées dans notre Communiqué de presse du 15 juillet.

Voir notre actualité du 25 juillet sur le formulaire de Bing, guère plus respectueux — sinon moins — de l’arrêt de la Cour de justice du 13 mai.

Voir l'article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l'Europe :
http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/005.htm

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