L’ouverture des données publiques – 2 : une liberté de l’information déjà reconnue

Nouvel épisode de notre série sur l'ouverture des données publiques...

La liberté de circulation de l’information, principe universel et droit de l’homme

Nous avons longtemps mal compris pourquoi une directive et une loi française avaient pris la peine d’affirmer avec force que les informations publiques peuvent être librement utilisées
Cela semble en effet enfoncer la porte ouverte de la liberté de circulation des informations, bien connue — notamment — des vrais spécialistes du droit d’auteur : ce que protège le droit d’auteur, c’est la mise en forme de l’information (le "choix ou la disposition des matières", comme le souligne très bien le code de la propriété intellectuelle (article L.112-3 al.1er). Mais il est de principe que les informations contenues dans les œuvres ne peuvent être protégées.
C’est ainsi qu’une information (de même qu’une idée) ne peut être protégée en droit, ni par le droit d’auteur, ni par aucun autre type de propriété intellectuelle — peut-être d’ailleurs mal nommée… Ce sont les diverses formalisations des idées ou des informations qui sont protégées, par exemple par un brevet, une marque, un dessin ou modèle, ou bien sûr une "œuvre" d'auteur.

Plus encore, la libre circulation des informations — qui fonde également le droit à l’information des citoyens — est un des droits de l’homme consacrés directement ou indirectement par toutes les grandes déclarations de droits connues dans le monde :

  • Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, article 11, ayant valeur constitutionnelle en France ;
  • 1er amendement de la Constitution des États-Unis de 1791 ;
  • Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU (10 décembre 1948), articles 18 et 19 ;
  • Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, du 4 novembre 1950, article 10 ;
  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976, géré par le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ;
  • Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 26 octobre 2012, remplaçant celle de 2006.

Il paraissait donc presque absurde que l’Union européenne et les États membres prennent la peine de légiférer pour réaffirmer un principe déjà inscrit dans toutes les déclarations de droits.
L'enjeu juridique est donc ailleurs.

La double finalité des législations sur l’ouverture des informations publiques

Ces législations sur la transparence, l’ouverture, voire la réutilisation des informations publiques un peu partout dans le monde, même si elles paraissent enfoncer cette porte ouverte des grands principes, n’en sont pas moins fondées, mais sur des principes juridiques moins hauts, moins génériques et beaucoup plus pragmatiques.

Ils manifestent en effet clairement deux finalités :

  • Obliger les pouvoirs publics à ouvrir les informations qu’ils produisent ou détiennent à leurs citoyens : c’est le principe du droit d’information des citoyens, déjà entrouvert avec l’accès aux documents administratifs, plutôt nommé transparence au sein de l’Union européenne, et qu’on retrouve aux États-Unis sous le terme explicite d’Open Government, tant au plan fédéral qu'à celui des États fédérés ;
  • Organiser techniquement l’ouverture de telles informations : c’est là que le droit devient cuisine technique en érigeant en obligation juridique les principes techniques auxquels doivent parvenir les systèmes informatiques.

Parallèle avec les SIG

À ce sujet, il est un autre pan de l’activité administrative et économique de par le monde qui connaît une semblable législation technique, c’est l’univers des systèmes d’information géographique (SIG) qui du reste ressortissent aussi très largement de l’ouverture des informations publiques.
C’est ainsi que la Directive dite INSPIRE et les règlements d’application qui en sont issus édictent essentiellement des obligations techniques, notamment d’uniformisation des données pour un meilleur partage des traitements, de leur interopérabilité, de leur ouverture, etc.
On retrouvera ces caractéristiques dans les dispositifs législatifs et réglementaires à propos de la réutilisation des informations publiques.

En savoir plus

Consulter les déclarations citées :

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, article 11, sur Légifrance :
www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789
1er amendement de la Constitution des États-Unis, datant de 1791 (version française de la Documentation française) :
www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/election-presidentielle-americaine-2008/constitution-americaine.shtml#eztoc21806_2_8
Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, signée à Paris le 10 décembre 1948, articles 18 et 19 : www.un.org/fr/documents/udhr/#a18
Pacte international relatif aux droits civils et politiques administré par le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (article 19, 2, en français sur le site ce la Commission européenne — pdf, 215 Ko) :
http://ec.europa.eu/justice/policies/privacy/docs/un-art17_fr.pdf
Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, en date du 4 novembre 1950, article 10, sur le site du Conseil :
http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/005.htm
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 26 octobre 2012 (remplace la charte de 2006), article 11, sur Eur-Lex :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12012P/TXT:FR:NOT

On pourra constater la similitude, voire l'identité, de texte depuis la déclaration de l'ONU et tous les autres textes subséquents.

Sur le droit des SIG :

Voir notre article de synthèse : Le droit des systèmes d'information géographique

Didier FROCHOT