Droit d'auteur : formalité créatrice ou formalité probatoire ?

Voici un double point de droit dont la distinction est souvent difficile à comprendre pour les non-juristes que nous formons régulièrement : la distinction entre une formalité créatrice de droit et une formalité apportée pour prouver l’existence d’un droit, soit une formalité à titre de preuve ou probatoire.

Concrètement, la difficulté de comprendre surgit lorsque nous devons expliquer que le droit d’auteur naît sans formalité, du seul fait de la création de l’œuvre, comme le précise l’article L.111-1 al.1er du code de la propriété intellectuelle. La réflexion nous est souvent faite selon laquelle, même si on détient ce droit, il faudra bien le prouver, ce qui pose la question de la preuve de l’existence du droit, mais non du droit lui-même.

Voyons donc cette distinction importante.

Formalité créatrice de droit

On parle de formalité créatrice de droit, lorsque cette formalité doit être accomplie pour créer un droit. Sans cette formalité, le droit ne naît pas. Ce système n’est pas le plus courant en droit français puisque nous vivons dans un système juridique largement non-formaliste. Par exemple, le seul fait de choisir une marchandise chez un commerçant et de la payer vaut contrat de vente sans qu’il soit besoin de signer quelque acte écrit que ce soit.

Cependant, il est des cas où l’importance juridique de l’acte est telle qu’une formalité minimale est requise pour que le droit naisse.

Il en est ainsi du contrat de société : le dépôt des statuts signés au greffe du tribunal de commerce va donner naissance à la personnalité morale de la société, autrement dit, ce dépôt fait naître juridiquement la société : il s’agit bien d’une formalité créatrice de droit. Même phénomène pour une association loi de 1901 qui n’acquiert la personnalité morale qu’au moment du dépôt de ses statuts en préfecture.
Il en est de même en propriété industrielle : le créateur d’un brevet ne pourra en revendiquer la propriété qu’à partir du moment où il aura régulièrement fait enregistrer celui-ci auprès de l’organisme habilité, en France l’INPI (Institut national de la propriété industrielle).
Même chose pour une marque : la marque ne devient la propriété de son déposant qu’à l’issue de la procédure d’enregistrement de celle-ci auprès du même INPI et de sa publication au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI), série Marques.
Il en ira de même pour un nom de domaine : la droit de propriété sur le nom de domaine ne pourra être revendiqué qu’à partir du moment où ce nom de domaine sera enregistré sous un domaine supérieur auprès d’un "bureau d’enregistrement", selon le vocable consacré par la loi française.

Bien sûr, le titre de propriété que constitue le document qui prouve le dépôt va aussi servir de preuve de l’existence du droit : ce seront le fameux Kbis pour la société, le certificat d’enregistrement pour une marque, etc.

Formalité probatoire

Une formalité probatoire est celle qui est accomplie pour se ménager un moyen de preuve quelle qu’elle soit. Ce pourra par exemple être la preuve qu’on est bien l’auteur de son œuvre et donc bien son propriétaire. Ou encore que l’œuvre qu’on a créée avait telle consistance, telle intégrité et que quelqu'un l’a dénaturée ou modifiée sans son accord.

Pour ce faire, il existe toute une gamme de formalités probatoires qui vont de la lettre recommandée envoyée à soi-même jusqu’au dépôt chez un huissier, en passant par toutes sortes d’offres sur le marché, plus ou moins sérieuses. Une preuve peut aussi être constituée par le témoignage d’une personne.

Le droit d’auteur : un droit non-formaliste

Pour revenir au droit d’auteur, ce droit naît dès la création de l’œuvre par son auteur qui n’a donc pas à se soucier de déposer son œuvre où que ce soit pour qu’elle soit protégée par le droit d’auteur. Et ceci fonctionne ainsi en France depuis longtmpes et aujourd’hui dans la plupart des pays du monde.
En effet, le principe du non-formalisme du droit d’auteur a été introduit dans la convention de Berne de 1886 lors d’une de ses premières révisions, à Berlin le 13 novembre 1908. Aujourd’hui, 167 pays sur les 193 reconnus par l’ONU se sont ralliés à cette convention. Le non-formalisme du droit d’auteur est donc devenu un phénomène planétaire, à l’exception de quelques rares pays. Notons que les États-Unis ont abandonné au niveau fédéral l’obligation de dépôt au Copyright Office pour pouvoir se rallier à convention de Berne à partir du 1er mars 1989.

En savoir plus

Lire :

Notre double Fiche synthétique sur le droit d’auteur
Le Schéma explicatif du droit d’auteur

Voir la liste des États signataires de la convention de Berne sur le site de l'OMPI chargé de la gérer :
www.wipo.int/treaties/fr/ShowResults.jsp?lang=fr&treaty_id=15

Didier FROCHOT