Badge nominatif en bibliothèque et en services culturels

La question nous a été posée en formation juridique pour les bibliothécaires et autres agents de la filière culturelle territoriale de savoir s’il était possible à une collectivité d’imposer le port d’un badge nominatif pour les agents en contact avec le public.

Certains éléments de réponse peuvent être trouvés sur Internet, notamment une question similaire et sa réponse bien construite, posée au Guichet du savoir (service de recherche de la Bibliothèque municipale de Lyon). Malheureusement, cette question datant de 2007, les renvois aux sources juridiques et les liens y conduisant sont assez largement périmés.
C’est une des raisons pour lesquelles nous proposons ici notre propre synthèse documentaire, avec des liens à jour ; il faut reconnaître que certaines circulaires sont particulièrement difficiles à retrouver, même sur le site dédié aux circulaires de Légifrance : toutes les anciennes circulaires n’y ont pas été systématiquement déposées par les administrations détentrices… 

La levée de l’anonymat dans l’administration

Dans le sillage de la transparence de l’Administration voulue par la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 dont le titre 1 pose le principe "De la liberté d'accès aux documents administratifs", instituant le droit d’accès pour toute personne aux documents émanant de l’administration et créant la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), il a été décidé que les administrés ne devaient plus avoir affaire au monstre froid et anonyme de l’Administration et connaître les correspondants personnes physiques qui sont amenés à traiter leurs demandes.

La transparence au sein de l’État

C’est donc un décret qui ouvre cette voie : décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, abrogé au 1er juillet 2007, décret concernant essentiellement la fonction publique d’État.

Deux circulaires viennent ensuite préciser le système :

Extension à toutes les collectivités publiques

La loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations a étendu ces règles aux agents de toutes les fonctions publiques, notamment son article 4, al.1er :
"Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté." :
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000215117&Id=1072655760...

Une circulaire du Ministère de l’intérieur précise les modalités d’application de cette loi :
Circulaire du 28 juillet 2003 sur l'application des dispositions de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (p.8 de la circulaire : "La personnalisation des relations entre administrations et citoyens (article 4 de la loi)"), disponible sur le site circulaires.legifrance.gouv.fr :
http://circulaires.legifrance.gouv.fr/index.php?action=afficherCirculaire&hit=1&r=15708

La Charte Marianne

Ces dispositions sont reprises dans la Charte Marianne, document destiné aux usagers des services publics, lancé le 3 novembre 2003 et repris par de nombreuses collectivités. On peut en trouver la trace sur le site du Ministère de la fonction publique :
www.fonction-publique.gouv.fr/ministre/presse/dossiers-presse-21?xtmc=charte_marianne_cooc

Une réponse à la question initiale ?

Il résulte de tous ces textes que le souci constant des pouvoirs publics depuis les années 1980 est de gommer l’anonymat de l’Administration et de responsabiliser les agents publics. C’est notamment le cas avec l’obligation de mentionner dans toute correspondance la personne qui suit le dossier et qui signe le courrier.
Mais la question de l’identification des agents lors d’une rencontre de visu avec le public n’est pas expressément traitée. Elle participe bien sûr de cette même volonté de donner un visage humain à la relation administration-administré.

Des cas justifiant l’anonymat

Il est précisé dans l’article 4 de la loi de 2000 que "Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté". Ce peut être par exemple le cas de responsables de services sociaux décidant de l’octroi ou du refus d’aides sociales, provoquant la colère, voire la violence d’administrés éconduits.
À mi-chemin entre l’identification complète et l’anonymat complet, on constate souvent la pratique de badges présentant au moins le prénom de l’agent.
En matière de bibliothèque et de services culturels, la question se pose de savoir si "la sécurité des personnes" peut être mise en cause au point de justifier un anonymat total ou limité au patronyme pour éviter toute retombée indésirable.  Il nous est impossible de trancher sur cette question d'opportunité, qui varie du reste largement selon les communes.

En savoir plus

Voir notre fiche synthétique sur L’accès aux documents administratifs

Didier FROCHOT