Sur les réseaux sociaux : injure publique ou non-publique ?

Sur le terrain de l’e-réputation (encore nommé cyber-réputation, web-réputation ou réputation numérique) il est un comportement souvent rencontré, celui de proférer des injures à l’encontre de personnes, physiques ou morales.

Un récent arrêt de la Cour de cassation

Dans ce domaine des injures, la Cour de cassation vient de rendre un très intéressant arrêt.
Il s’agissait en l’occurrence d’une cadre qui s’était répandue en propos injurieux à l’encontre de son employeur à la suite de son licenciement. Ces propos étaient tenus sur des pages personnelles de l’auteur, sur sa page Facebook et sur MSN. Ayant été poursuivie pour délit d’injure publique, la cour d’appel de Paris avait constaté que les propos étaient publiés sur des pages accessibles aux seules personnes agréées personnellement par l’auteur, et donc non accessibles à tous. En toute logique, les magistrats avaient donc refusé de retenir le délit d’injure publique, puisque précisément celles-ci n’étaient pas publiques.

Pages privées : pas de caractère public

Saisi d’un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation confirme la juste appréciation de la cour d'appel de Paris : puisque les propos litigieux « n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d’intérêts ; qu’elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques ».
Ceci vient préciser plus avant les contours de la jurisprudence. Certes, il n’est pas nécessaire d’être conseiller à la Cour de cassation pour se livrer à l’analyse de bon sens selon laquelle des pages privées, ouvertes aux seules connaissances d’une personne, ne constituent pas un acte de publicité (au sens premier de « rendre public ») à l’égard de tous.

Où l’on retrouve l’infraction d’injure non-publique…

Mais la Cour de cassation relève cependant un autre point encore plus intéressant pour le commun des mortels. Elle considère en effet que « en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui incombait de le faire, si les propos litigieux pouvaient être qualifiés d’injures non publiques, la cour d’appel a violé par refus d’application le texte susvisé ».
En d’autres termes, si la qualification d’injure publique, incriminée par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne peut être retenue, celle d’injure non-publique, érigée en contravention de 1ère classe par l’article R.621-2 du code pénal doit être retenue. Ainsi reparaît la notion, beaucoup moins connue que l’injure publique, d’injure non publique (parfois nommée rapidement injure privée) qui s’applique dès lors que les propos sont tenus dans un cercle privé. Certes, l’infraction est moindre, mais elle existe tout de même : au lieu d’être un délit, sanctionné, aux temres de l’article 33, al.2 de la loi de 1881 par une amende de 12 000 €, l’injure non-publique constitue donc une contravention de 1ère classe, soit 38 € d’amende, aux termes de l’article 131-12 du code pénal. 
C’est donc sur ce seul terrain de l’omission de l’injure non-publique que l’arrêt de la cour d’appel de Paris est cassé.
Cette décision vient donc remettre les règles de droit en perspective et rappeler, s’il en était besoin, la totalité de l’arsenal des sanctions pénales utilisables en droit de l’information.

En savoir plus

Voir sur Légifrance :
L’arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 avril 2013, pourvoi n°11-19.530) :
www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?&idTexte=JURITEXT000027303638
L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 (délit de diffamation et d'injure publiques) :
www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;?idArticle=LEGIARTI000006419790&cidTexte...
L’article 33 (al.2) de la même loi (sanction de l’injure publique) :
www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;?idArticle=LEGIARTI000026268337&cidTexte...
L’article R.621-2 du code pénal (injure non publique) :
www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;?idArticle=LEGIARTI000006419489&cidTexte...
L’article 131-13 du code pénal (gamme et sanctions encourues pour les contraventions) :
www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;?idArticle=LEGIARTI000006417259&cidTexte...
 

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Didier FROCHOT