Les trois cercles du droit de représentation – 3

Après avoir défini les deux premiers cercles que recouvre la notion de représentation, et partant, le droit de représentation (nos actualités du 10 janvier et du 8 février), nous nous penchons aujourd’hui sur le dernier cercle, celui de l’affichage sur écran.

Lorsque les ordinateurs ont commencé à permettre d’afficher autre chose que des calculs, mais des textes, voire des programmes d’ordinateurs (protégés par le droit d’auteur) et plus tard encore des images sur des écrans, la question s’est naturellement posée de l’application du droit d’auteur à ce sujet.
S’il n’est pas douteux que le fait de fixer sur support magnétique (ou autre, notamment par gravure optique) une création intellectuelle protégée par le droit d’auteur s’analyse en une reproduction (voir notre actualité sur le sujet en date du 13 décembre 2012), qu’en est-il de son affichage sur l’écran de l’ordinateur ?

Il était facile de trouver la réponse à cette question, en raisonnant par analogie avec la représentation d’une œuvre via la télédiffusion, donc sur des écrans de télévision, et subsidiairement avec le droit d’exposition, lui aussi un avatar du droit de représentation. Dès l’instant que l’œuvre saute aux yeux de l’utilisateur via un écran, alors même qu’il n’a pas cherché à en tirer une copie (papier ou numérique, ce qui serait une reproduction, à nouveau), il s’agit bien d’une représentation.

Les contrats d’abonnement aux bases de données en ligne

C’est la raison pour laquelle tous les juristes chargés de concevoir et de gérer les contrats d’abonnement aux bases de données en ligne, chez les grands serveurs, ont inclus dans leurs contrats, parmi les droits d’auteur cédés aux abonnés, à la fois le droit de reproduction (pour le téléchargement ou l’impression des données et œuvres en ligne), mais aussi le droit de représentation, du moins lorsque ces contrats étaient bien rédigés, ce qui est de moins en moins le cas...

Consultation sur le web : le faux écueil

Dès l’instant qu’il est acquis que lorsqu’on consulte une œuvre d’auteur sur un écran il y a cession du droit de représentation, comment peut-on licitement se permettre de regarder des contenus sur Internet sans avoir obtenu l’accord de leurs auteurs ?
La réponse est extrêmement simple, même si certains juristes ont voulu la compliquer.

Lorsqu’un auteur décide de mettre ou d’autoriser à mettre en ligne son œuvre, sur un site ouvert au public, c’est qu’il a bien l’intention de la montrer au public, c’est-à-dire de représenter celle-ci.
Se poser la question est aussi naïf que de considérer que quelqu’un qui aurait réalisé un graffiti dans la rue pourrait légitimement se précipiter sur les passants pour leur interdire de regarder son œuvre au motif qu’il ne leur a pas cédé son droit de représentation...
C’est pourtant sur cette base que certains juristes, lors des débats sur les aspects juridiques des liens hypertextes, voici quelques années, ont cru devoir mettre en cause la licéité de ces liens hypertextes, au motif qu’ils entraîneraient la représentation d’une page web sans l’accord de leur auteur…

Conséquences pratiques en information-documentation

Toutes les fois où des œuvres sont cédées par un auteur en vue de leur publication sous forme numérique, interne sur quelque support numérique que ce soit ou sur Internet, il conviendra de bien préciser dans l’acte de cession des droits d’exploitation que l’auteur cède à la fois son droit de reproduction, et son droit de représentation, à défaut de quoi l’œuvre ne pourrait être consultable sur écran.

En savoir plus

Consulter notre Fiche synthétique sur le droit d’auteur et le Schéma associé
Voir notre fiche synthétique sur Les actes de cession de droit d’auteur
Voir notre article sur La question juridique des liens hypertextes dans notre Dossier spécial Droit de l’Internet.

Didier FROCHOT