Le délit de violation du secret des affaires en marche

La lutte contre l'espionnage industriel

Nous avons déjà évoqué les lacunes dans l'arsenal juridique français en matière de protection des secrets des entreprises, sur lesquelles le député Bernard Carayon (naguère Monsieur Intelligence économique du Gouvernement) alerte depuis quelques années (notre actualité du 16 décembre 2010).

Une nouvelle proposition de loi

A l'époque, Bernard Carayon avait déjà déposé une proposition de loi le 17 juin 2009. Il a réitéré récemment, et cette fois, sa proposition de loi, déposée le 22 novembre 2011, est venue en séance publique pour un débat en première lecture ce 23 janvier. Ce texte a été adopté et transmis au Sénat.

Un dispositif protecteur

Il s'agit de créer un délit de violation du secret des affaires condamnant "Le fait de révéler à une personne non autorisée à en avoir connaissance, sans autorisation de l’entreprise ou de son représentant, une information protégée relevant du secret des affaires de l’entreprise" (projet d'article 325-2 du code pénal).
La notion de "secret des affaires" est définie par le projet d'article 325-1 du même code, de même que la notion de "mesures de protection spécifiques" propres à ces secrets, dont un décret en Conseil d'État précisera les contours.

Ce dispositif est assez logique et rejoint la pratique en entreprise : certaines d'entre elles ont déjà érigé leurs savoir-faire en information confidentielle par un système contractuel au sein de l'entreprises : les membres de l'entreprises signent un accord de confidentialité par référence à un document qui définit quelles sont les informations confidentielles relevant du savoir-faire protégé de l'entreprise. La proposition de loi se propose donc de donner des contours légaux à des dispositifs de ce genre, pour mieux les protéger aux termes du délit de violation de ces informations.

Un projet délit pas encore intégré dans le code pénal

Contrairement à ce qu'annoncent régulièrement les médias dans ce genre d'évènement, le dispositif n'est pas intégré dès à présent dans le code pénal : on n'en est qu'au vote en première lecture à l'Assemblée nationale. De plus il ne s'agit pas d'un projet de loi (soutenu et suivi par le Gouvernement) mais d'une proposition émanant de quelques députés. Il faut encore qu'il soit pris en main et rapidement voté en première lecture devant le Sénat, puis à nouveau repasser devant l'Assemblée, etc. Bref, la procédure législative habituelle.
Avec le changement de législature en juin, il y a fort à parier que la proposition devra une nouvelle fois être relancée. Mais l'idée fait son chemin... Espérons la voir aboutir sans trop d'attente, maintenant fin 2012 ou en 2013.

La protection du secret des affaires : une question de culture d'entreprise autant que de législation

D'une manière plus générale, il est salutaire de renforcer la législation contre l'espionnage industriel, mais le plus grand risque actuellement en France, c'est la relative naïveté des entrepreneurs qui faisait dire à Bernard Carayon, dans un entretien diffusé sur France Info, qu'il serait souhaitable que les entreprises fussent un peu plus paranos, pour mieux se protéger... C'est donc autant une question de mentalité, de culture et de conscience de la richesse d'un patrimoine immatériel dans l'entreprise, qu'il faut autant protéger et mettre à l'abri que ses biens matériels et ses liquidités.

En savoir plus

Voir le dossier législatif sur la proposition sur le site de l'Assemblée nationale :
www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/violation_secret_affaires.asp

Voir le texte adopté par l'Assemblée :
www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0826.asp

Voir la longue dépêche de l'AFP (de Déborah Claude) du 24 janvier 2012 :
www.google.com/hostednews/afp/article/...

Didier FROCHOT