Troisième édition des Assises du numérique

Jeudi 25 novembre 2010, Le Grand Amphithéâtre de l’Université Paris-Dauphine a accueilli la troisième édition des Assises du numérique.

Invités à cette occasion, Les Infostratèges rendent donc compte de cette journée.

Les Assises

Ambiance distinguée mais décontractée, tenue correcte tout de même de rigueur, cette troisième édition des Assises du numérique s’est articulée en cinq tables rondes autour desquelles ont débattu ambitieusement experts et politiques sur les enjeux stratégiques, économiques et socio-culturels du monde numérique de demain.

Le numérique à toutes les modes

Pour couvrir ces enjeux chaque table ronde se composait de quatre à huit intervenants issus d’activités variées — politique, industrie ou entreprise —, et proposant donc des points de vue complémentaires voire opposés sur les questions soulevées par l’animateur. Le débat n’en était que plus vivant.

Les thèmes des tables rondes :

  • Le numérique pour l’innovation et la compétitivité
  • Le numérique pour une nouvelle politique des savoirs
  • Comment le très haut débit permet-il de repenser les territoires de demain
  • L’e-patient à l’heure de la télésanté et de la télémédecine
  • Citoyen numérique : droits et devoirs

Une salle active mais prise par le temps

Comme dans toute animation bien menée, un petit quart d’heure sur les quatre-vingt-dix minutes allouées à chaque table ronde était réservé aux questions de la salle. L’occasion pour des participants confrontés aux réalités du terrain de soumettre points de vue, commentaires et observations, sur les différents propos tenus lors du débat, avec ou sans prise de gant.

Un bon apport à la discussion en somme mettant parfois le discours théorique des intervenants à rude épreuve face à ces réalités rapportées.

Un reproche cependant, le temps consacré aux questions était nettement trop court ; les séances se sont souvent terminées malgré les nombreuses mains encore levées dans l’assemblée.

Les droits et devoirs du citoyen numérique

La table ronde Citoyen numérique : droits et devoirs a bien sûr retenu notre attention ; nous en commentons donc quelques aspects.

Une CNIL inquiète

Dans son discours introductif Alex Türk, Président de la CNIL, a souligné son inquiétude face la recrudescence des systèmes de géo-localisation des personnes.

Outre les systèmes de géo-localisation explicites comme ceux proposés par certains réseaux sociaux (1) un autre danger viendrait du couplage de dispositifs d’identification déjà bien en place à des techniques telles que la biométrie ou la radio-identification. Quelles conséquences auraient demain la présence d’une puce RFID dans un passeport, une carte de paiement ou une carte de transport ? 

Le développement des nanotechnologies dans cette perspective complexifierait d’autant plus l’identification de tels dispositifs et favoriserait leur généralisation. « Comment fera-t-on pour réguler ces choses-là ? On ne se pose pas ce genre de questions » a insisté Alex Türk.

Dans l’attente d’un encadrement concret de ces questions sur le plan politique (2), la CNIL mise sur l’éducation et l’information notamment à travers l’édition d’un numéro spécial de Mon Quotidien — journal d’actualité destiné aux 10-14 ans — intitulé Protège ta vie sur Internet et prévoit d’autres initiatives du même type d’ici la fin de l’année.

L’information du citoyen…

C’est donc à partir de ce thème donné — l’information du citoyen — que le débat s’est construit autour de cette dernière table ronde de la journée. 

Un sujet repris et élargi  par Edwy Plenel — cofondateur du site Médiapart — prêchant pour les bienfaits de disposer d’un Freedom of information Act français : « un droit d’accès direct des citoyens sur ce que fait la puissance publique et ce qui est fait en notre nom […] Le secret doit être une exception [dans les cas] d’intérêt public et légitime ».

Propos nuancés par Yves Détraigne, Sénateur de la Marne et co-auteur de la proposition de loi "visant à mieux garantir le droit à la vir privée à l'heure du numérique" (3) déposée au Sénat le 6 novembre 2009 : « Je crois qu’il y a un intérêt public légitime à ce que la vie privée existe encore et à ce qu’il y ait un équilibre entre les droits et les devoirs de chacun de nos concitoyens ».

Isabelle Falque-Pierrotin — vice-présidente de la CNIL et Présidente du Forum des droits sur l’Internet — a quant à elle voulu souligner la « difficulté [à] mettre État, entreprises et société civile dans la même dynamique » pour tirer les meilleurs bénéfices d’Internet et qu’il ne fallait pas « surestimer la capacité des États à fixer totalement les règles ». La capacité d’action des États est donc loin d’être absolue.

… sur Internet ?

On regrette cependant dans cette initiative de penser le citoyen numérique de demain, que la question de la fermeture du Forum des droits sur l’Internet n’ait pas plus suscité d’intérêt. Prendre cette question en charge dans le débat aurait à notre sens apporté une dimension supplémentaire à la discussion, permettant de mettre une fois de plus en regard théorie et réalité constatée.

Des questions restent donc ouvertes :

  • Quel est le devenir du citoyen numérique si l’on supprime le principal lieu d’information et de réflexion sur les questions liées à Internet ? 
  • L’information de ce citoyen est nécessaire ; est-elle réellement au cœur des préoccupations ?

En restant optimiste, il faudra peut-être attendre la quatrième édition des Assises du numérique pour obtenir de nouveaux éléments de réponse. Espérons que d’ici là le Forum ne soit pas définitivement effacé des mémoires.

1 La CNIL a d'ailleurs appelé à la vigilence sur ce type de service le 15 octobre dernier.
Voir l'actualité sur le site de la CNIL :
www.cnil.fr/la-cnil/actu-cnil/article/article/facebook-places-en-questions-1

2 Notons cependant la proposition visant à apporter le soutien de l’Assemblée nationale à l’élaboration d’une convention internationale relative à la protection de la vie privée et des données personnelles du 5 novembre 2010.
Accès au contenu de cette résolution sur le site de l'Assembléenationale :
www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2837.asp

3 Voir notre Voir notre actualité du 3 décembre 2009, Vous avez dit droit à l'oubli numérique ?

 

Voir aussi le site des assises du numérique :
http://assisesdunumerique.fr/
 

 


 

Pierre-Éric DEVIE